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défaite. L’œuvre de Bismarck semble, à cet égard, plus solide que jamais. L’adroite propagande qui a été faite par les Prussiens de Berlin pour fortifier dans les différentes parties de l’Allemagne le sentiment de la solidarité nationale a été couronnée de succès. Et c’est, hélas ! en attisant la haine à notre égard qu’ils sont parvenus à ce résultat. « Ce sont les Français, ont-ils dit, qui sont cause de la détresse actuelle. C’est par l’union étroite de tous les Allemands que nous parviendrons à nous dégager de l’abominable traité qu’on nous a imposé. Evitons donc avec soin tout ce qui pourrait nous désunir. »

Cette propagande a été d’autant mieux accueillie que l’Allemagne avait éprouvé beaucoup de déceptions. La révolution du mois de novembre 1918 avait fait concevoir des espérances qui ne se sont pas réalisées. « C’est une ère nouvelle, qui va commencer, dirent alors ceux qui s’emparèrent du pouvoir, ère féconde qui amènera de grandes améliorations. La « socialisation » ne peut manquer d’avoir d’heureux effets ; nous ne tarderons pas à reprendre dans des conditions économiques et sociales meilleures l’œuvre que la guerre a interrompue. » Et comme la situation des classes populaires a empiré, celles-ci tournent contre nous toute l’aigreur qui est la conséquence de leur contrariété : la France seule aurait empêché la reprise de la vie économique. « Vous voulez nous étrangler, me disait il y a quelques jours un vieux savant, qui avait entretenu jadis de bonnes relations avec les savants français. Vous vous obstinez à ne pas comprendre que, pour guérir toutes les blessures qui ont été faites, il faut accepter l’idée d’une reprise générale de la vie économique. N’est-il donc pas nécessaire que l’Allemagne s’enrichisse, pour qu’elle puisse vous donner les milliards que vous lui réclamez ? Votre conduite est odieuse. Jamais peuple n’a été traité comme nous. » — « La paix de Versailles, me disait de son côté un historien distingué, est le plus grand crime qui ait été commis dans l’histoire de l’humanité. »


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De toutes les questions qui méritent aujourd’hui de fixer l’attention des enquêteurs, il n’en est pas de plus grave que la question de la « responsabilité. » Beaucoup d’Allemands se donnent une peine incroyable pour prouver à leurs compatriotes d’abord, aux autres nations ensuite (c’est heureusement plus