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Le directeur du Service automobile au G. Q. G. français, était alors le commandant Doumenc[1], travailleur aux conceptions rapides, d’une grande lucidité d’esprit et d’une activité dévorante, très au fait des moindres détails de sa tâche parce qu’il payait de sa personne. — Le soir même, il se mettait à l’œuvre. On se trouvait en présence d’un problème tout à fait nouveau, pour lequel l’expérience acquise, si précieuse fût-elle, était évidemment insuffisante, et qui devait nécessiter de l’initiative et de l’ingéniosité. C’est pourquoi la relation de ce qui fut fait alors, — pendant deux fiévreuses semaines, — doit garder une place à part dans l’histoire générale des grands transports automobiles de la guerre.


Tout d’abord, une question se posait : « Étant donnée la saison avancée, était-il possible de franchir les Alpes ? »

Le passage des Alpes par une armée est toujours une opération, très difficile et ceux qui l’ont réalisée ont laissé dans l’Histoire des souvenirs impérissables.

On pourrait écrire tout un livre sur un tel sujet, et ce n’est certes pas le pittoresque qui y manquerait. On y verrait d’abord le jeune Annibal, s’avançant par la vallée de l’Isère avec 60 000 hommes, après avoir fait installer à Grenoble des magasins de vivres, de vêtements, de chaussures et d’armes, puis franchissant, en plein automne, le massif du Mont Genis[2]. Quel tableau ! la neige et le froid, funeste à ces frileux Africains, les populations hostiles, pas de routes, à peine quelques sentiers, les éléphants pris par le vertige ; sur le versant gaulois, une ascension lente et fatigante ; sur le versant italien, des pentes abruptes et des précipices ; enfin, l’arrivée dans la plaine, avec 26 000 hommes exténués : quelques semaines après, ils gagnaient, pourtant, leur première victoire du Tessin ! On y verrait Pépin le Bref, appelé par le pape Etienne II, que menaçait, de Ravenne,

  1. Il avait succédé, en mars 1917, au lieutenant-colonel Girard, de qui il avait été l’adjoint : à ce titre il avait, jadis, organisé la Voie sacrée. Il devait occuper le haut poste de directeur jusqu’aux derniers jours de la guerre et il s’y distingua tout particulièrement dans les grands transports de 1918.
  2. Probablement, du moins ; par le Lautaret et l’Échelle. Mais on sait quels désaccords existent, à ce sujet, entre les historiens !