Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de « Pharamond, fondateur de la monarchie française » et les hauts faits de « Clovis le Grand, un des plus illustres souverains de la maison mérovingienne. » — « Toute mon archéologie du Moyen-Age, a raconté lui-même Augustin Thierry, consistait dans ces phrases et quelques autres de même force que j’avais apprises par cœur. Français, Trône, Monarchie étaient pour moi le commencement et la fin, le fond et la forme de notre histoire nationale. »

La lecture fortuite des Martyrs, alors dans leur nouveauté, cette vibrante épopée, ce tableau si puissamment évocateur de l’immense ruée barbare à l’assaut d’un monde croulant, vint, comme un souffle de tempête, renverser toute cette phraséologie ridicule. Dans un passage célèbre et souvent cité, l’auteur des Récits des Temps Mérovingiens a décrit l’impression dominatrice qu’en ressentirent sa nature ardente et son imagination en éveil. Il se trouva transporté dans un monde nouveau quand il aperçut, avec Eudore, ces terribles Franks de Chateaubriand, parés de la dépouille des ours, des veaux marins, des aurochs et des sangliers ; ce camp retranché avec ses bateaux de cuir et ses chariots attelés de bœufs ; cette armée rangée en triangle où l’on ne distinguait qu’une forêt de framées, des peaux de bêtes et des corps demi-nus. Dans son enthousiasme, le néophyte marchait à grands pas dans la salle d’étude, répétant le chant farouche des guerriers : « Pharamond, Pharamond, nous avons combattu avec l’épée ! »

C’est une date mémorable dans le développement de cette intelligence. Pour elle commençaient la notion et le goût de la vérité historique. Ce n’est point la cause, certes, mais le signe, l’éclair avant-coureur de l’avenir, l’avertissement providentiel d’une haute vocation. L’étincelle ainsi déposée put dormir quelque temps encore ; elle ne pouvait manquer d’éclater un jour.


II. — L’ECOLE NORMALE

Au mois de juin 1811, arrivait à Blois un personnage considérable, M. Ambroise Rendu, inspecteur général, conseiller ordinaire de l’Université et de plus ami très intime de Son Excellence le comte de Fontanes. Le haut fonctionnaire venait remplir une mission importante.