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incombant à cette assemblée, en y supprimant les ordres relatifs aux garnisons chinoises et à leurs relèves françaises : nous devenions seuls responsables, le vice-roi et moi-même, de leur transmission aux autorités militaires intéressées, de part et d’autre. Ce que je fis, en barrant chacun de ces ordres, sur cette note, d’un trait au crayon confirmé par mon paraphe ; et, ensuite, en les télégraphiant directement en clair, au général Millot et à l’amiral Courbet, dès ma sortie de cette audience. Li-Hong-Tchang transmit les mêmes ordres, de son côté, aux autorités militaires chinoises, ainsi que l’ont prouvé, par un document écrit, authentique, les incidents survenus ultérieurement dans l’affaire de Bac-lé, dont on trouvera le récit officiel dans le livre de M. Billot. Ce document nous apprit, en effet, que l’exécution de ses ordres avait été empêchée, au dernier moment, par un contrordre du Tsong-Li-Yamen. A l’instigation sans doute du marquis de Tseng, à Londres, et du ministre d’Angleterre à Pékin, exaspérés par le traité de Tien-Tsin, une intrigue de palais avait renversé de sa présidence le prince Kong, d’opinions conciliantes, pour l’y remplacer par le prince Chûn, un des principaux ennemis de Li-Hong-Tchang, ce qui avait rendu la prédominance dans le Conseil au parti hostile à ce traité.

Toutefois, ce contre-ordre était accompagné, prudemment, de la recommandation de ne pas engager de combat avec les troupes françaises de relève, sans avoir parlementé avec elles et pris avis ensuite du Gouvernement impérial ; c’était évidemment, pour le cas où nos troupes se présenteraient avec des effectifs assez forts pour triompher, au besoin, de tout essai de résistance des garnisons chinoises.

Ce ne fut malheureusement pas le cas, à Bac-lé, par suite d’imprudences de notre commandement militaire, auxquelles j’étais loin de m’attendre. Elles eurent, comme funestes conséquences, de retarder d’une année la ratification et l’exécution du traité de Tien-Tsin, et de nous entraîner dans une ère nouvelle de complications militaires et diplomatiques de toute nature, aggravées par une autre surprise, non moins regrettable, celle de l’affaire de Lang-Son, car celle-ci détermina la chute ministérielle de M. Jules Ferry.

Ce fut un de nos derniers sacrifices ; car malgré ce coup inattendu du sort, les préliminaires de paix furent signés,