Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A mon arrivée dans ce port, j’y trouvai M. Tricou souffrant et se plaignant amèrement de l’inaction forcée où le maintenaient systématiquement les autorités chinoises. Celles-ci ne lui adressaient plus aucune communication diplomatique, depuis que Li-Hong-Tchang avait renoncé brusquement à poursuivre avec lui ses premiers pourparlers. Le vice-roi était remonté à Tien-tsin, en coupant court aux simulacres de préparatifs militaires qu’il avait entrepris pour influencer M. Bourée, et qu’il jugeait désormais impuissants à modifier l’attitude énergique de notre nouveau ministre.

Je m’employai naturellement de mon mieux à le détourner de son projet de quitter son poste, pour raisons de santé ; je lui fis observer que, dans le milieu troublé par tant d’aléas où nous vivions alors, une occasion de rompre cette inaction diplomatique, qui lui pesait tant, ne pouvait manquer de se présenter.

Bientôt, en effet, une émeute éclatait à Canton, à la suite d’une rixe entre des étrangers et des Chinois. Les bâtiments de la concession française étaient incendiés et les habitants obligés de se réfugier sur les navires. De plus, des rumeurs alarmantes circulaient sur le sort des missionnaires résidant à l’intérieur du pays. Ces nouvelles parvinrent à M. Tricou, le 11 septembre, un soir que nous dînions ensemble dans la famille d’un négociant suisse. Le ministre ayant lu le télégramme urgent de notre consul à Canton, qu’on lui remit alors, me le fit passer et, dès que nous pûmes sortir de table, nous primes les résolutions suivantes. M. Tricou télégraphia à Paris qu’il partait sans tarder pour Pékin, où son devoir l’appelait, afin de s’y trouver en mesure d’agir directement sur le Gouvernement central ; il se proposait d’y provoquer les mesures réparatrices et les sanctions nécessaires au rétablissement de l’ordre à Canton et à la sauvegarde des intérêts de nos nationaux et des missions étrangères dont il avait charge. De mon côté, je devais donner au Volta l’ordre d’être prêt à appareiller, le plus tôt possible, et expédier à Li-Hong-Tchang, une dépêche officieuse, personnelle, lui annonçant la prochaine arrivée à Tien-Tsin du Volta portant M. Tricou ; je lui demanderais de recevoir cordialement le ministre de France et de lui offrir ses bons offices à Pékin, de