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mission de couvrir cette ville importante d’Hanoï contre toute surprise, fut conduit à s’emparer, par un hardi coup de main, à la tête de 500 hommes, de sa vaste citadelle défendue par plusieurs milliers de soldats et par une nombreuse artillerie.

La France, se trouvant engagée par ce brillant fait d’armes, ne pouvait laisser la vaillante troupe, qui l’avait si heureusement exécuté, privée de renforts et exposée dans la capitale même du Tonkin, qu’il importait de garder à tout prix, aux retours offensifs inévitables des nombreux adversaires qui l’enveloppaient. D’autre part, évacuer le Tonkin en ce moment, c’était un acte de faiblesse et d’incohérence qui eût encouragé les résistances de la cour de Hué et l’audace des bandes chinoises. Nous aurions ainsi compromis la sécurité de notre colonie de la Cochinchine, et nous aurions été entraînés, bientôt, pour réparer les désastreuses conséquences de nos fautes, à de nouveaux sacrifices dépassant de beaucoup ceux qui auraient suffi à les prévenir.

Sous l’empire de ces légitimes préoccupations, l’amiral Jauréguiberry, soucieux de ne rien laisser au hasard des événements, avait mis à l’étude, dans son état-major général, tout un programme détaillé d’opérations militaires éventuelles. L’expédition devrait comporter 8 000 hommes de troupes de la marine et une escadre de six bâtiments propres à effectuer leurs débarquements et leurs déplacements stratégiques sur les côtes et dans les rivières. Un crédit annuel de dix millions devait suffire aux dépenses de ce corps expéditionnaire, assez puissant pour briser, au premier choc, toute résistance annamite ou chinoise et empêcher ainsi, dans l’avenir, tout nouveau conflit de troubler notre occupation pacifique du Tonkin.

Mais le Président de la République, M. Jules Grévy, craignant, par-dessus tout, la crise ministérielle que pouvait provoquer la demande au Parlement de ce crédit supplémentaire, en vue d’une expédition lointaine, qu’il jugeait trop aventureuse, ne voulut rien entendre de ce projet. Il fallut les instances patriotiques de M. Duclerc et de M. Billot pour obtenir, à grand peine, du ministre de la Marine, les renforts à expédier tout de suite au Tonkin : il y aurait un premier envoi de 700 soldats seulement de la marine, sur un transport la Corrèze, et un croiseur en armement le Volta, dont il me fit l’honneur de me confier le commandement.