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vaine, car les troupes de Li-Hong-Tchang possédaient, presque seules, alors, une véritable valeur offensive, par leur armement, leurs cadres, leur organisation et leur instruction technique. Quant aux milices des bannières tartares qui pouvaient leur être opposées à Pékin, elles restaient encore armées, principalement d’arcs et de lances, et elles étaient à peu près dépourvues d’armes à feu modernes.


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Mais la Russie n’était pas la seule Puissance dont le voisinage fût redoutable à la Chine.

Près des côtes chinoises s’étend l’archipel du Japon qui, à cette époque, c’est-à-dire douze ans seulement après sa grande révolution, disposait déjà d’une armée et d’une flotte de valeur offensive importante. Ces forces de terre et de mer étaient d’autant plus à craindre pour la Chine qu’au Japon le patriotisme était ardent, chevaleresque, et que chacun s’honorait de lui faire, au besoin, le sacrifice de sa vie ; quant aux Chinois, s’ils étaient fiers d’être originaires du Céleste-Empire, ce sentiment de vanité nationale n’inspirait à aucun d’eux l’obligation morale de contribuer personnellement à la défense de son pays. Il en résultait, qu’en dehors des bannières tartares des princes mandchous, le métier des armes n’était exercé, en Chine, que par des déclassés et des besogneux sous les ordres de mandarins militaires illettrés et sans prestige.

De plus, le Japon, se prévalant de son ancienne conquête de la Corée par Taï-Ko-Sama, un de ses héros populaires, tendait manifestement à reprendre dans ce pays, retombé depuis sous la suzeraineté de l’empereur de Chine, une influence prépondérante. Or Li-Hong-Tchang avait, parmi ses attributions officielles, la direction de la politique étrangère de la cour de Séoul et le maintien du roi de Corée dans ses devoirs de vassalité. Enfin, d’autres nations que le Japon, notamment la Russie et l’Angleterre, obligeaient le vice-roi, pour sauvegarder les intérêts de l’Empire chinois et sa propre autorité méconnue, à des luttes incessantes contre les intrigues, non moins actives, de leurs partisans à la cour de Séoul.

Pour ces raisons et, d’autre part, pour remplir efficacement son rôle capital de protecteur vigilant de l’Impératrice, il était donc astreint à résider en permanence à proximité du palais