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seulement la juste philippique prononcée contre eux à Cologne par le député Meerfeld, à la suite de l’assassinat d’Erzberger. Tous ces gens, dit-il, regrettent encore de ne pouvoir s’incliner devant les équipages de cour, alors même que ces équipages sont vides. Ludendorff, devenu le maître des nationaux allemands, reçoit à Königsberg le titre de docteur, et cette consécration universitaire du vieux militarisme allemand rappelle à M. Meerfeld un mot de Heine, peu flatteur pour ses compatriotes : « Il ne manque à l’Allemand qu’une queue pour être un chien. » Le major Hennig, qui siège à la droite du Reichstag, incite les contribuables à la grève fiscale, pour mieux empêcher l’Allemagne de payer ses dettes. Les étudiants hurlent des chansons qui exaltent les meurtriers d’Erzberger : « Remerciez bien le Seigneur — Pour le raisonnable assassinat, — De cette archi-crapule : — Que l’assassin nous soit sacré, — Comme le drapeau noir, blanc, rouge. » Au Conseil d’arrondissement de Cologne-Campagne, s’est engagée une grave discussion, qui a duré plusieurs heures. Le portrait de l’ancien Kaiser, qui se trouvait dans la salle, devait-il être laissé en place ou enlevé ? Gros embarras pour les conseillers ; ils auraient bien voulu se mettre en règle avec le nouveau régime sans trop désobliger l’ancien, que personne ne considère comme tout à fait mort. Comment faire ? On s’est tiré d’affaire par une solution géniale. On a découvert tout à coup que le tableau avait une grande valeur artistique, et on l’a gardé à sa place, non comme portrait, mais comme œuvre d’art. L’ « Union des pangermanistes » s’assemble bruyamment dans un congrès. Le baron Vietinghoff-Scheel y déclare que cette Union n’admettra jamais qu’une partie de la Haute-Silésie soit attribuée à la Pologne, et le docteur Bang, conseiller supérieur des finances, y proteste avec véhémence contre les impôts que doit entraîner l’exécution de l’ultimatum. Comme M. Walter Rathenau a rencontré un ministre français, pour négocier avec lui une entente économique, la campagne d’excitation entreprise contre M. Rathenau devient presque aussi vive que celle qui s’est terminée par le meurtre d’Erzberger. Des télégrammes de congratulations continuent à s’échanger entre Guillaume II et ses fidèles. Il faut rendre aux journaux, non seulement socialistes, mais démocrates, et notamment à la Frankfurter Zeitung, cette justice qu’ils condamnent hautement cette propagande insensée, mais ils ne parviennent pas à l’arrêter, et grandit tous les jours. Tant il est vrai que le virus impérialiste n’a malheureusement pas encore disparu des veines de l’Allemagne.