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Suède, Gustave III, et de Madeleine de Rudenschold, demoiselle d’honneur de la princesse Sophie-Albertine. Ce n’est qu’un épisode ; il met en scène quelques-uns des personnages qui ont été le plus célèbres à la fin du XVIIIe siècle : mais « il n’appartient pas à la grande histoire, il s’est déroulé en marge des événements considérables. » Le duc de San Théodoro, diplomate napolitain à Copenhague, écrivait au comte de Bernstorff, ministre des Affaires étrangères, qu’au bout du compte « ce n’était qu’une histoire de femme. » Eh ! reprend Daudet. Et il ajoute que cette histoire de femme eut des conséquences politiques. Il ajoute : « Les épisodes de second rang ne sont pas moins intéressants que ceux du premier. Presque toujours ils aident à les expliquer : c’est ici le cas. » Mais oui !

Et, si l’on veut comprendre les événements de l’histoire, il faut partir de ce principe que les événements sont de qualité humaine. Comprendre les événements, c’est comprendre les hommes : et l’histoire est une étude psychologique. Mais vous ne comprenez point un homme et son âme, si vous n’examinez que ses actes les plus éclatants et apparents. L’on doit, ou l’on devrait, aller jusqu’au tréfonds de cette âme, jusqu’à son secret, que les nouveaux psychologues désignent sous le nom, je crois, de « petites perceptions. » Eh ! bien, les petits faits sont, dans l’histoire (ou psychologie des hommes nombreux, des hommes réunis), ce que sont les petites perceptions dans la psychologie individuelle.

Au surplus, Ernest Daudet n’était point malhabile à traiter les grands sujets. Son Louis XVIII et le duc Decazes enferme beaucoup de temps et d’espace. Les trois tomes in-octavo de son Histoire de l’Émigration pendant la Révolution française ont la précision la plus recommandable et une belle étendue.

Il travaillait, quand il est mort, à écrire ses Souvenirs. Le premier volume a paru ; les autres paraîtront, souhaitons-le, prochainement. Ce premier volume est, d’ailleurs, la suite, d’un petit ouvrage qu’il avait donné, il y a trente-huit ans, Mon frère et moi, et qui voisine avec Le petit Chose de son frère admirable et qu’il admirait, Alphonse Daudet.

Le petit Chose est un roman délicieux, qui joint à beaucoup de vérité beaucoup de fantaisie. Sur quelques points, l’auteur de Mon frère et moi complète ou corrige les récits du Petit Chose. Par exemple, l’auteur du Petit Chose écrit : « Je fus la mauvaise étoile de mes parents. Du jour de ma naissance, d’incroyables malheurs les assaillirent par vingt endroits… » Mais non ! réplique l’auteur de