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rencontre par moments dans l’évocation de l’Autrefois. » Et Daudet : « Je ne pense pas qu’on ait jamais mieux expliqué l’attrait puissant qu’exerce le passé sur nos imaginations… » La littérature historique et la littérature que l’on appelle exotique ont bien quelque analogie. Nous faisons de pareils voyages dans le temps ou l’espace. Nous nous dépaysons, nous prenons le change. Et puis nous revenons chez nous avec plaisir, comme l’a dit Pierre Loti, le jour qu’il nous semble que nous sommes déguisés dans nos costumes d’Européens et d’aujourd’hui. Ernest-Daudet se divertissait à merveille au jeu si amusant de l’histoire.

Il ne paraît pas avoir été fort crédule à ces prétendues « lois de l’histoire » qui étaient naguère à la mode : lois de l’histoire, au moyen desquelles on tirerait de l’examen du passé la prévision la meilleure ; il suffit, n’est-ce pas ? de continuer la courbe dont les premiers linéaments sont dans les siècles révolus. C’est ce que tentait de faire, en 1797, Chateaubriand. Mais il ne citait qu’en note, au bas d’une page de l’Essai sur les révolutions, le général Buonaparte ; il ne tenait pas compte de ce général, qui bientôt a modifié à sa guise la courbe de l’histoire. On peut contester à Ernest Havet le droit d’appeler les prophéties de Jérusalem « de l’histoire où les verbes sont mis au futur ; » quant aux prophéties des historiens, mieux vaut les confiner dans le présent, qui est déjà du passé.

Ernest Daudet ne se lance que rarement aux considérations aventureuses. Et c’est un signe de sagesse. Une fois, dans l’ « avertissement » de ses Nouveaux récits des temps révolutionnaires, il pose la question de savoir les dates entre lesquelles il convient d’enfermer la période révolutionnaire. Il la fait commencer au 14 juillet 1789. Il dit que « tout le monde est d’accord sur ce point. » Et l’on aurait envie de le chicaner à ce propos, si l’on préférait le moins du monde choisir une autre date, ou proche de celle-ci, comme celle de la convocation des États généraux, ou lointaine et d’un autre siècle. Mais à quelle date finit donc la période révolutionnaire ? « Napoléon renversé, la Révolution se manifeste par les complots militaires, l’assassinat du Duc de Berry, les tentatives des sociétés secrètes pour soulever les peuples contre les rois. Lorsqu’en 1818, au Congrès d’Aix-la-Chapelle, est formée entre la France, la Russie, l’Angleterre et la Prusse la quintuple alliance, c’est pour se défendre contre la révolution que les souverains de ces États se sont unis. A la lumière des événements qui se sont accomplis depuis en Europe… » Cette page est de 1910 ; ajoutons les événements qui se sont produits