Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

LES « SOUVENIRS » D’ERNEST DAUDET [1]

Ernest Daudet venait de publier le premier tome de ses Souvenirs, lorsqu’il est mort, tout récemment. Il était l’un des plus anciens collaborateurs de la Revue, où il avait donné, le 1er janvier 1877, une nouvelle, la baronne Amalti. C’est une histoire d’amour mondain, très bien contée, fort pathétique, un peu ornée de vaine poésie, mais attrayante. Il était aussi le doyen de la Société des gens de lettres, sinon par l’âge, du moins par ses années de présence, qui couraient depuis le 30 janvier 1860. Et il était assurément l’un des doyens de la presse française, ayant inséré son premier article dans la Gazette de Lyon le 30 juillet 1857. On lui demandait un jour « si ça lui faisait grand plaisir d’être doyen ; » et il sourit, comme on peut sourire à l’idée de n’être plus jeune : il avait cependant la juste fierté du long travail, et très divers, qui occupa toute sa vie. A quatre-vingt-quatre ans, il ne sentait ni lassitude ni ennui.

Il laisse beaucoup plus de cent volumes imprimés. Il disait gentiment que, sur ce nombre, il en abandonnait à l’oubli, — il n’attendait pas la postérité, mais la devançait volontiers, — cinquante ; c’est plus de modestie que n’en ont ordinairement les écrivains.

Ceux qu’il gardait, pour ainsi dire, comment les aurait-il choisis ? Dans un chapitre de ses Souvenirs, il note que la plupart des auteurs dramatiques et des romanciers qui, lors de ses débuts, étaient fameux sont maintenant inconnus : « On dirait d’une loi qui, sauf

  1. Souvenirs de mon temps ; débuts d’un homme de lettres (Plon). Du même auteur, à la même librairie, Mon frère et moi, souvenirs d’enfance et de jeunesse (nouvelle édition).