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plus imbu de cette idée : « Envers ses peuples, l’Empereur n’a pas de devoirs : ils ont tous les devoirs envers lui. »

Il ne faut pas moins d’une heure pour parcourir les hautes pièces d’apparat : cabinet des porcelaines, cabinet des laques dont le décor nous fut rendu familier par l’Aiglon de Rostand ; salons où d’élégantes et grêles guirlandes de feuillage et de roses fleurissent en sculptures d’or sur la blancheur des murs. Vision d’un « rococo » exquis, qui enchante la pensée comme un air de Gluck. Ailleurs, les tapisseries des Gobelins composent une décoration somptueuse. Le soleil, avide, ronge lentement leurs couleurs. Finement pâlies, elles s’atténuent selon la même gamme. Elles s’anémient, mais sans une discordance. Aussi belles que celles qui tapissent les murailles du vieux burg, à Vienne, elles sont l’un des trésors artistiques de l’Autriche. Quand les socialistes prirent le pouvoir, ils eurent cette idée de Vandales de les vouloir mettre à l’encan. « Le peuple, disaient-ils, a besoin de pain et non de vieilles tapisseries… » Informés de l’aubaine, les marchands d’antiquités du Nouveau Monde et de l’Europe occidentale s’abattirent sur Vienne ; mais ils voulurent trop gagner. Spéculant sur la détresse de l’Autriche, ils offrirent des prix dérisoires.


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En quittant Schœnbrünn, nous avons voulu aller aux Capucins. Grand, robuste, tout ce qu’il y a de plus décoratif avec sa barbe d’or, longue, soyeuse et ondée, un Père nous ouvre les caveaux. Il tourne un commutateur. Les ampoules électriques abritées par des globes opalins répandent, autour de nous, une mystérieuse clarté.

Nous passons devant le mausolée en bronze de Marie-Thérèse. Nous voici dans la partie de la crypte où, à côté de celui de l’impératrice Elisabeth et de l’archiduc Rodolphe, se trouve le tombeau de François-Joseph. Il est d’une grande simplicité. Point d’anges gras, trop bien nourris, tenant des palmes ; point de pleureuses et de têtes de mort grimaçant sous la couronne fermée, dont on les a coiffées ainsi qu’au sarcophage de Marie-Thérèse. Une couronne seulement est déposée, faite de pommes et d’aiguilles de pin. Un ruban bleu de ciel la noue sur lequel des lettres d’or rappellent qu’elle fut offerte par les anciens officiers de l’Empereur et par les chrétiens-sociaux.