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IMPRESSIONS DE VIENNE


Juin 1921.

Vienne a perdu cet air de gaieté, de fête perpétuelle qui, naguère, la caractérisait. Les rues où trottinent les femmes en bas de soie, juchées sur les talons pointus de leurs souliers vernis, sont mal entretenues. Rares sont les maisons dont les fenêtres sont fleuries et si, au long des « rings » et sur les grandes places, les lampadaires sont encore cerclés de leurs jardinières, celles-ci sont vides : aucun géranium n’y met sa note vive. Certaines offrent aux regards un enduit souillé et si fortement endommagé qu’on se croirait dans une ville mitraillée. Pourtant, les magasins aux larges façades garnies d’immenses glaces sont achalandés aussi bion que les plus exigeants le peuvent souhaiter. Il y a de tout chez les marchands de « Delikatessen, » de tout chez les marchands de meubles, de tout et du plus élégant chez les bottiers, les chemisiers, les modistes et les lingères. Des « galanteries, » il y en a pour tous les goûts ; seulement, pour en acheter, il faut être étranger ou « profiteur de la guerre : » pour un Autrichien, c’est trop cher.

Je note des prix, au hasard, tels que les devantures me les présentent : un pain blanc, d’une livre environ : 60 couronnes ; un mètre de drap : 3 500 k[1] ; un réticule en cuir : 6 800 k ; une paire de gants de fil : 560 k une paire de bas de soie : 1 900 k ; un canif, un tout petit canif, en nacre, avec deux lames : 490 k ; une cravate verte à pois jaunes, cravate pour « enrichi de la guerre : » 1 000 k ; un chapeau de paille, pour hommes ;

  1. K = couronne.