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Pour qu’il n’attrapât pas quelque coup d’air à son passage dans la salle à manger, on développait les deux paravents pour envelopper la porte de sa chambre et celle du salon.

Ce fut peu avant les premiers jours de cette même dernière quinzaine que l’Empereur s’occupa de son testament et des codicilles qui y font suite. Ce fut dans sa petite chambre à coucher qu’il écrivit ces derniers actes de sa volonté. M. de Montholon m’avait fait préparer des plumes et du papier. L’Empereur, ne voulant pas être dérangé dans son travail, me fit donner l’ordre par le comte, avec qui il devait travailler, que j’eusse à rester dans l’antichambre et que je ne laissasse pénétrer personne dans ses chambres. Marchand, devant rester dans le cabinet, reçut la même consigne. Le verrou fut mis, je crois, à la porte de communication du cabinet à la salle de bain. Quand ces dispositions furent faites, l’Empereur dicta à M. de Montholon tous les articles de son testament. Lorsque la dictée du jour était finie, M. de Montholon mettait au net ce qu’il venait d’écrire, et c’était d’après cette copie que l’Empereur écrivait. Il en fut ainsi de tout ce que l’Empereur eut à dicter et à écrire. Cette besogne dura de huit à dix jours et chaque jour la même consigne fut donnée. Ce travail fut extrêmement pénible pour l’Empereur, dont les forces s’en allaient à vue d’œil De temps en temps, pour les rappeler, il prenait quelques gouttes de vin de Constance : il ne cessait d’écrire que lorsqu’il se sentait par trop fatigué, et, le lendemain, il se remettait à l’œuvre. Il alla ainsi jusqu’à ce qu’il eût terminé tout ce qu’il voulait faire.

Les testament et codicilles signés et scellés furent mis sous enveloppes, après quoi l’Empereur fit appeler le Grand-Maréchal et l’abbé Vignaly, et leur ordonna, ainsi qu’à M. de Montholon et à Marchand, d’apposer leurs cachets sur les fermetures des enveloppes principales. Le tout fut confié à la garde de Marchand, à qui l’Empereur dit dans quelles mains il devait remettre le paquet lorsque lui, Napoléon, aurait rendu le dernier soupir. Marchand avait par devers lui tous les bijoux précieux, c’est-à-dire les tabatières et différents autres objets à l’usage de l’Empereur et, je crois, le collier de diamants que la reine Hortense avait donné à l’Empereur lors du départ de la Malmaison. Ce dernier objet, Sa Majesté le remit en mains propres à Marchand et le lui donna en toute propriété, pour que celui-ci se trouvât garanti contre toutes les éventualités. Il