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convaincre les Irlandais qu’ils n’ont rien à obtenir de l’Angleterre que par la violence. Et puis, si l’opinion étrangère est actuellement portée à quelque indulgence vis-à-vis de l’Irlande, c’est aussi que l’effet des excès britanniques n’a pas manqué d’atténuer l’effet des excès irlandais : chaque fois que le sentiment public se voyait heurter par quelque crime des républicains, on était sûr que le lendemain un crime des Black and Tans viendrait à point nommé, comme pour rétablir l’équilibre, le blesser tout pareillement !


VII

La faute des uns n’efface pas celle des autres. Et cependant il est humain que, comme le Sinn Fein cherche à couvrir ses excès derrière ceux des forces officielles, le gouvernement britannique, dans la difficile défense de sa politique à l’égard de l’Irlande, ait cherché à couvrir ceux-ci derrière ceux-là. Après avoir pendant longtemps tout nié de ce qu’on reprochait à ses agents, il dut se résoudre à avouer peu à peu ce qu’il ne pouvait plus nier. Mais s’il avoue, il excuse. Il met les choses sur le compte de l’exaspération causée chez les loyaux défenseurs de l’ordre par la traîtrise d’adversaires indignes. « Si guerre il y a, il doit y avoir guerre des deux côtés, dit M. Lloyd George à Carnarvon, en octobre 1920. Est-ce que les agents de police doivent se laisser abattre comme des chiens ?… Soyons justes envers ces hommes qui font bravement leur devoir. » Une femme ayant été tuée par un coup de feu tiré d’un camion militaire, c’est « un de ces incidents malheureux comme il en arrive dans toutes les guerres. » Il plaide la provocation, comme l’Irlande la plaide contre lui, et le droit de légitime défense, qui est égal des deux côtés. Il refuse toute enquête publique, sous le prétexte de l’état troublé de l’Irlande. Poussé par les ultras du parti tory, il prône d’un ton violent et dégagé la nécessité de la force pour venir à bout du Sinn Fein, nécessité qui prime tout et devant laquelle rien d’autre ne compte. « Il faut casser les reins au terrorisme avant d’avoir la paix, » déclarait naguère M. Lloyd George. Et plus récemment : « La force n’est pas un remède, mais abandonner aujourd’hui la force serait capituler devant la violence, le crime et le séparatisme. »