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gouvernement s’est muni de pouvoirs considérables pour la répression comme pour la prévention. Il peut, sur simple soupçon, emprisonner les gens, les déporter, les interner dans des camps de concentration ; ceux-ci contenaient, à la fin de juin dernier, 3 252 personnes, et il y avait alors en prison 1 579 individus non jugés, plus 1 227 condamnés en cours de peine. Il peut faire visiter toute maison privée et à toute heure ; arrêter, interroger et fouiller à la ville tous les passants pris dans un coup de filet, tous les occupants d’un train ou d’un tramway, tous les spectateurs d’un cinéma ou tous les fidèles dans une église ; cerner par la force publique un quartier, un bourg ou un village, avec vaste déploiement de troupes, de tanks, d’autos blindées, de mitrailleuses et de fils de fer barbelés, en vue de recherches et perquisitions minutieusement opérées homme par homme et local par local. Il restreint ou parfois interdit la circulation ; il exerce sur les journaux et correspondances la plus stricte censure.

De pareils pouvoirs ne sauraient toujours s’exercer avec mesure. De fait, il est déplaisant de voir les têtes mises à prix, les primes promises aux délateurs, les suspects placés en otages sur les voitures, les prisonniers politiques mis au régime des criminels ordinaires, les descentes de police tourner à la persécution ou s’effectuer en pleine nuit chez des religieuses cloîtrées ou à l’église pendant l’adoration des quarante heures. Il est alarmant de voir en cours martiales des sentences trop disproportionnées à l’offense, et des condamnations capitales contre qui protestent les juges les plus haut placés. L’abus est aisé et, avouons-le, presque fatal. Mais ce que la conscience publique est toujours en droit d’exiger, c’est que, dans l’exercice de la répression, si rigoureuse soit-elle, l’autorité, qui représente la légalité et l’ordre, apporte toujours l’ordre et la légalité : c’est là l’essentiel, et c’est ce qui a essentiellement manqué.

Certes il n’était pas facile de lutter contre le crime, quand nul ne se souciait de prêter son concours à l’autorité dans cette lutte. Il n’était pas facile de venir à bout de la guérilla, quand