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va, faire dans l’automne de 1919 une intense propagande. A New-York, il reçoit du maire Hylan le droit de cité. Les États-Unis, on le sait, rejetteront le Pacte des Nations. Mais sera-ce un succès que ce rejet dû avant tout à des causes proprement américaines, et qui après tout n’avancera en rien les affaires de l’Irlande ? L’Irlande aura réussi seulement à intéresser l’opinion, apprenant, un peu tard et à ses dépens, que la politique des grandes Puissances n’est pas faite de sentiment, et que le courage moral, le désintéressement et la générosité, n’y ont hélas ! pas leur place.


IV

L’Irlande n’a donc plus rien à espérer, et l’Angleterre plus rien à redouter, d’une intervention étrangère. Dans le silence du monde indifférent, elles sont bien seules, terriblement seules, en face l’une de l’autre. Dès lors, entre l’une et l’autre, c’est le recours aux armes. L’Angleterre resserre l’étau de la coercition, l’Irlande lâche la « force physique. » Qui a commencé ? Question vaine dans une lutte qui dure depuis sept siècles. La vérité est que, de chaque côté, on veut en venir aux mains : l’Irlande, dans cette idée que, les voies de droit étant épuisées, c’est la seule ressource qui lui reste ; l’Angleterre, dans cette pensée qu’après avoir tout tenté pour concilier Érin, il ne lui reste plus qu’à la mater. L’Angleterre proclame que la répression répond à la rébellion : les « représailles » n’ont commencé, affirmait naguère M. Lloyd George, qu’après que cent policemen eurent été assassinés. L’Irlande, d’autre part, proteste qu’en s’insurgeant elle ne fait que résister à la coercition, et user de légitime défense : que l’agression britannique cesse, la riposte cessera ! Elle déclare cette coercition intolérable et effroyable : en 1917, 340 arrestations politiques, 24 déportations, 2 meurtres de civils ; en 1918, 1 106 arrestations politiques, 77 déportations, 5 meurtres de civils (restés impunis comme l’année précédente), 260 raids sur maisons privées : cela avant que l’Irlande se soit rendue coupable d’un seul attentat depuis la rébellion de Pâques. Ce n’est qu’en janvier 1919 que le premier policeman est tué ; il y en aura 15 ou 16 en 1919. La coercition, d’ailleurs, ne cesse de s’aggraver. En septembre 1919, le « Château » supprime toutes les organisations politiques vivant au grand jour, poussant ainsi