Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/584

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Il n’y a pas en Hollande de Colline inspirée, pour l’excellente raison qu’il n’y a pas de collines ; mais pourtant « il est des lieux où souffle l’esprit, » et la campagne qui s’étend de Leyde à la mer en contient au moins trois. Il n’est pas possible, quand on passe de l’un à l’autre, de ne point les rapprocher en pensée, plus encore qu’ils ne le sont dans la réalité : Endegeest, Rhijnburg, Warmond.

« Partez de Leyde, prenez la route qui va vers la mer ; au bout d’un quart d’heure, engagez-vous sous l’allée sombre des ormes, qui s’ouvre à votre gauche ; vous arriverez au château d’Endegeest : les arbres semblent s’y répéter les dialogues de notre Platon. Revenez sur la route, reprenez-la dans la direction de la mer ; après une demi-heure, vous serez à Rhijnburg, ce qui veut dire château sur le Rhin. Vous en chercherez un en vain, mais vous trouverez mieux. Tapie parmi les jardins, encadrée de fermes blanches et basses, à toit rouge et à volets verts, nullement différente d’elles, si ce n’est qu’elle est plus modeste et plus humble, vous trouverez une masure : c’est la maison de Spinoza. Ferme de Rhijnburg, petit château d’Endegeest, palais immenses dont la pensée des philosophes qui y logeaient reculait les murs jusqu’aux étoiles. Le Monde habite là.

« Or, si Spinoza a choisi Rhijnburg, c’est pour la même raison que Descartes a choisi Endegeest, c’est parce que, dans « ces fins de terre, » les pensées hétérodoxes fleurissent librement. Chassé d’Amsterdam par la Synagogue, Spinoza se met à l’ombre de ces illuminés qu’a visités Descartes, ces « Collegianten » qui sont aussi parmi les précurseurs de la pensée libre. Un des nôtres, un Français nommé Poiret, ira mourir à Rhijnburg, avec sa secte, en 1719.

« Ainsi de Warmond, troisième point de ce triangle mystique, et où un autre Français, bien illustre celui-là dans l’histoire des idées religieuses, le Père Quesnel, va s’éteindre à la même date, et repose encore en son cimetière d’exil. »

. . . . . . . . . . . . . . . . .

« Prenons le chemin des tombes. Que nos amis de Maestricht retrouvent celle de Saumaise, comme nous avons, dans l’église de Saint-Pierre, dégagé celle de notre immortel Scaliger.

« Que partout surgissent des pierres commémoratives ou, à leur défaut, que des pèlerinages littéraires s’organisent aux