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« Si l’inattendu se produisait pourtant, — ce qui arrive, — je suis en bien belle condition pour faire campagne, après mon séjour dans les bois, et j’imagine que les rigueurs de l’hiver français, — ou allemand, — ne m’incommoderaient pas trop… »


Kenogami, 27 février 1912.

« Me voilà installé depuis quelques jours déjà à Kenogami dans le confortable et le luxe ; mais… il se pourrait que je m’en aille bientôt tout de même.

« Le temps est beau. Ton thermomètre pend dans ma chambre, car, après expérience, j’en ai fait un instrument d’intérieur : comme thermomètre d’extérieur, il était un peu insuffisant, parce qu’il se trouve que ce mois de février est le plus froid de tout l’hiver, et que le mercure du thermo se pelotonnait chastement dans la boule du bas, et refusait de monter sous aucun prétexte dans le tube gradué… »


Kenogami, 11 mars 1912.

« Le printemps approche pour vous. Ici, nous en parlerons dans deux mois. On n’est d’ailleurs pas pressé, vu que la température actuelle est assez plaisante et que la venue du printemps, paraît-il, se manifeste, à Kenogami surtout, par l’apparition d’une boue prodigieuse, dont nulle autre localité au monde n’a l’équivalent. Les indigènes en sont un peu fiers.

« Je ne suis plus au Canada français que géographiquement, étant entouré d’Anglais et de Yanks. Car j’habite à l’hôtel, hôtel somptueux d’ailleurs et infiniment confortable : chauffage central naturellement, électricité, bains partout. Aux repas, du dindon et poulet rôtis, des oranges importées directement de la Jamaïque. Cela me change de Péribonka : mais j’étais tout de même plus heureux sous la tente. »

En mars, avril, mai, Louis Hémon est à Montréal. En juin 1912, il regagne les bords du cher lac Saint-Jean, « qui donne l’illusion de la mer, » et il retrouve son village du Nord, Péribonka.


Péribonka, 13 juillet 1912.

« L’agriculture ne manque plus de bras : elle a les miens. Sur la ferme de l’excellent M. Bédard (Samuel), je contribue dans la mesure de mes faibles moyens au défrichement et à la