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Haute-Silésie, elle confesserait par-là même son impuissance congénitale et signerait sa propre condamnation. La plaisanterie est un peu forte et j’aime mieux n’en pas rechercher les inspirateurs. Il y a, sans doute, de grandes chances pour que l’unanimité, qui ne s’est pas faite au Conseil suprême, ne se réalise pas davantage à la Société des Nations. Si indépendants que soient les délégués, ils reçoivent des instructions de leurs gouvernements respectifs et, dans quelque mesure qu’ils puissent s’affranchir de ces directions, ils conservent, avec leurs nationalités, leurs optiques particulières. Comme je l’ai dit l’autre jour, rien ne prouve, heureusement, que l’unanimité soit nécessaire à la validité des conclusions qui seront adoptées. Mais, quelles que soient ces conclusions, M. Lloyd George ne pourra, si elles ne le satisfont pas, s’en prendre à M. Balfour ; et si c’est nous qui trouvons la solution mauvaise, il ne sera pas juste que nous passions notre mécontentement sur MM. Léon Bourgeois, Viviani et Hanotaux. Le Conseil de la Société des Nations n’a pas sollicité la tâche qui lui est imposée. Il a droit, de notre part, à un peu d’indulgence.

Ce qui peut, malgré tout, lui rendre cette tâche moins ardue, c’est qu’il l’a abordée sans être gêné par aucun précédent. Il n’est handicapé par les propositions d’aucune des Puissances alliées. La question se présente tout entière devant lui, et il peut l’examiner avec plus d’indépendance que des premiers ministres engagés par leurs déclarations et travaillés par leur amour-propre. Il n’a cependant pas, comme on l’a écrit, les mains tout à fait libres. L’avis qu’on lui a demandé n’est pas un avis doctrinal, théorique, abstrait ; ce n’est pas non plus un avis dicté par le simple bon sens ou par la seule équité ; c’est une interprétation, à la fois rationnelle et pratique, du traité de Versailles. S’il se tenait en dehors du traité, le Conseil de la Société des Nations ferait œuvre vaine, car les Alliés n’auraient pas le droit de s’approprier ensuite ses conclusions. Le Conseil n’a donc à faire que ce que, livrés à eux-mêmes, les Alliés n’ont pas su faire. Il doit enregistrer les résultats du plébiscite, en considérant lu majorité des votes dans chaque commune, et en tenant compte également de la situation géographique et économique des localités. D’après l’article 88 du traité et l’annexe qui le complète, la Haute-Silésie ne saurait être regardée comme un bloc indivisible ; le district industriel, le district minier, le fameux triangle de M. Lloyd George sont autant d’entités factices, dont le Conseil suprême a bien pu s’occuper à la demande du Premier ministre britannique, mais qui