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Il advient que l’Amérique, gouvernée par sa nouvelle administration, désavoue sur tous les points son Président d’hier et prétend restaurer, après deux ans d’aberration, la pure doctrine de Monroë. Mais ne nous y trompons pas. Dans le message de 1825, qui a fixé cette doctrine, Monroë entendait surtout proclamer que l’Amérique serait désormais fermée à toutes nouvelles tentatives de colonisation par l’Europe : l’Amérique aux Américains. Ce n’était nullement à dire que l’Amérique dût à jamais se désintéresser elle-même des autres parties du monde ; et, en fait, elle y a de plus en plus pénétré par la banque, le commerce et l’industrie. Aujourd’hui elle est partout, et si nous voulons voir, par exemple, le rôle que joue le pétrole, en Europe et en Asie, dans la politique américaine, comme dans la politique britannique, nous n’avons qu’à relire l’intéressante brochure de M. Francis Delaisi. A mesure que l’aviation et la télégraphie sans fil suppriment les distances et rapetissent les dimensions du globe, l’Amérique se mêle de plus près aux affaires de tous les continents et, si elle est surtout occupée de la concurrence que lui font, sur le marché chinois, l’Angleterre et le Japon, du sort qui sera réservé à l’île de Yap, et des vues qu’elle prête à l’Empire du Mikado sur les Philippines, elle ne laisse pas de surveiller, avec une attention très éveillée, tout ce qui se passe ailleurs. Mais cette surveillance, elle l’exerce, bien entendu, comme c’est son droit, dans son intérêt, et non dans le nôtre.

Le 24 avril dernier, le docteur Simons avait adressé à Washington les propositions dérisoires que faisait l’Allemagne pour le paiement des réparations. Le 2 mai, M. Hughes, secrétaire d’État, avait prié M. Diesel, chargé d’affaires, des États-Unis à Berlin, de répondre au Reich que ces propositions n’étaient pas acceptables pour les Alliés et que l’Amérique recommandait à l’Allemagne de soumettre immédiatement et directement aux gouvernements alliés « des propositions claires, nettes et adéquates qui répondraient à ses justes obligations. » Ainsi, par son appel aux États-Unis, l’Allemagne avait elle-même montré qu’elle ne considérait pas l’Amérique comme décidée à rester indéfiniment sous sa tente, et la réponse des États-Unis, quoique fort différente de celle qu’attendait l’Allemagne, prouvait qu’en effet ils ne songeaient nullement à s’interdire les interventions dans les affaires européennes. Depuis lors, le gouvernement américain a décidé de se faire représenter au Conseil suprême et à la Conférence des Ambassadeurs, comme il avait déjà résolu de réinstaller son honorable délégué à la Commission des réparations. Représentation officieuse et non officielle, qui a permis aux États-Unis d’être renseignés sur tout, de