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représentants du pays. La population, dans son ensemble, n’était pas moins confiante et résolue. Pour s’en rendre compte, il suffisait de parcourir, après un raid d’avions, les quartiers les plus éprouvés de Paris et de la banlieue, ou de visiter, près du front, les villes et les villages dévastés. C’était partout la même détermination, le même stoïcisme, la même volonté de tenir jusqu’au bout. On peut affirmer que, sans cet admirable état d’esprit, l’avènement de M. Clemenceau n’eût pas été possible. Son Cabinet se serait usé à remonter un courant ; il a été, au contraire, immédiatement porté par le flot. Dès ses premières sorties, le président du Conseil était accueilli par les acclamations de la foule. Son âge, sa crânerie, ses allures, ses mots, n’étaient pas sans contribuer à cette prodigieuse popularité. Mais il la devait surtout à ce qu’il était alors merveilleusement à l’unisson avec l’âme de la France.

La force immense que lui a donnée le consentement général et qu’il était plus que tout autre à même d’exercer lui a permis de mettre fin aux intrigues qui menaçaient la patrie et qui, si elles avaient eu le champ libre, auraient annihilé peu à peu notre capacité de résistance. Il a fait reculer la trahison ; il a dispersé la meute des ambitions impatientes qui cherchaient déjà leur pâture dans le malheur du pays ; il a dessillé les yeux des aveugles, rassuré les inquiets, raffermi les hésitants, et montré à tous le chemin du devoir. Grâces éternelles lui soient rendues pour l’effort accompli et pour le succès obtenu !

Lorsqu’après un armistice un peu précipité ont commencé les négociations de paix, M. Clemenceau les a certainement engagées et poursuivies avec la même ardeur patriotique. Non moins certainement, les résultats n’ont pas été aussi heureux, et il serait puéril de nier que le traité de Versailles a profondément déçu le pays. Peut-être cependant quelques-uns de ceux qui le critiquent aujourd’hui avec le plus d’âpreté devraient-ils se souvenir qu’en 1919 ils étaient sénateurs ou députés et que, non seulement ils se sont abstenus de le combattre, mais qu’ils l’ont voté. Vainement diraient-ils qu’il était trop tard pour le repousser ou pour l’amender. Un traité de paix ne vaut que par l’approbation des Chambres, et les États-Unis viennent de nous rappeler que, tant que n’ont pas été remplies toutes les formalités constitutionnelles, il ne saurait y avoir que projets révocables.

En France, le Gouvernement négocie, mais avant le vote du Parlement, rien n’est définitif, et le Président de la République lui-même