Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trente pour cent, après avoir constaté, dans sa Statistique de la propriété communale dans la zone montagneuse des Pyrénées, que les vallées contenant une proportion moindre de forêt nourrissent par kilomètre carré d’autant plus de bétail qu’elles sont plus boisées.

L’effort forestier du XIXe siècle n’a réparé qu’un dixième de ce désastre. Malgré les reboisements d’utilité publique effectués sur plus d’un million d’hectares dans les dunes, les landes de Gascogne, la Sologne, les Dombes et les montagnes, l’augmentation de l’aire forestière, dont M. Daubrée a fait part en 1910 à la Commission des inondations, était seulement de 600 000 hectares. Dans les montagnes, il n’y avait encore en 1900 que 160 000 hectares rendus à la végétation forestière. « C’est bien peu, dit M. Cardot, vis-à-vis des deux ou trois millions d’hectares qui forment les bassins supérieurs de nos rivières torrentielles et des six à sept millions d’hectares de terres incultes qui, dans toutes nos régions de montagnes, concourent par leurs dénudations à leur donner un régime irrégulier. Et cette immense surface continue visiblement à se dégrader. Chaque jour les dénudations s’étendent, des forêts disparaissent, des ravinements se produisent, de nouveaux torrents se forment ou prennent une allure dangereuse et ainsi compromettent l’œuvre de régénération entreprise ! Au résumé, le mal grandit au lieu de se restreindre[1]. »

On n’avait pas fait en quarante ans le septième des reboisements prévus en 1860 par le ministre des Finances. Mais on ne se figurait pas alors l’énormité du dommage que les destructions forestières, remontant à plus d’un siècle, occasionneraient pendant la guerre en amenant la crise du charbon et la crise des transports, ralentissant la fabrication des munitions et prolongeant les hostilités. C’est un méfait du déboisement qui vient de coûter à la France plus de cinquante milliards et de trois cent mille vies humaines.


II. — LA CRISE DU CHARBON ET DES TRANSPORTS

Sans doute ce n’est pas au déboisement qu’on peut imputer le ralentissement de l’extraction dans nos houillères, ni de l’importation de charbons étrangers, dont la mobilisation générale

  1. E. Cardot, Manuel de l’arbre, p. 60, Paris, 1907. Au Touring-Club de France.