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sa force et son unité se restaurèrent, vers 1900, pour de nouveaux combats, sous l’autorité de John Redmond. L’opinion anglaise a souvent été sévère pour ces politiciens de métier, qu’elle juge bavards, parfois excentriques, sans tenue ni culture, n’aimant que scènes et tapage. Sans doute ils ont eu leurs défauts. Ils ont manqué d’idéal dans leur politique, et parfois de courage vis-à-vis de leurs commettants. Ils ont abusé des vaines violences au Parlement, et du plaisir qu’ils avaient à exaspérer un auditoire qui refusait de se laisser convaincre. Reconnaissons cependant qu’ils ont loyalement rempli leur rôle de protestataires, et fidèlement servi, selon leurs moyens, la cause d’Erin. Ils ont obtenu pour l’Irlande les lois agraires, le rachat des terres, avec sa conséquence, la disparition du landlordisme ; ils ont obtenu l’administration locale, l’université nationale, la législation spéciale pour les congested districts, etc. ils ont démontré aux plus aveugles l’impossibilité qu’il y a à maintenir l’unionisme en Irlande. Leur règne n’a donc pas été infécond. Ces résultats dureront après eux. Et de tous ces résultats, le moindre n’est pas d’avoir longtemps, par leur action constitutionnelle, éliminé du pays le parti révolutionnaire, lequel n’allait reparaître que quand eux-mêmes ils disparaîtraient ; d’avoir maintenu l’unité de l’Irlande sous l’égide de la légalité, tout en s’efforçant d’associer le patriotisme irlandais avec le loyalisme envers l’Empire britannique, et de gagner pour l’Irlande l’autonomie nationale dans le cade impérial. Ce but de leurs efforts, ils ont été plusieurs fois bien près de l’atteindre : en 1893 avec Gladstone, en 1914 à la veille de la guerre, en 1918 enfin avec la Convention.

Mais ils ne l’ont pas atteint, et c’est ce que l’Irlande ne leur pardonne pas, c’est surtout ce qu’elle ne pardonne pas à leur chef, à John Redmond, qui meurt tristement au mois de mars 1918, au cours même des travaux de la Convention dont il ne vit pas la fin. Irlandais pur sang, bien qu’il ne fût pas de race celtique, mais d’origine anglo-normande, — il descendait d’un certain Raymond le Gros qui avait été au XIIe siècle un des premiers Normands à s’établir en Irlande, — il avait trop vécu au Parlement britannique pour n’avoir pas été un peu contaminé par l’esprit parlementaire. Les qualités du chef, qu’avait eues dans le temps Parnell, les forces du lutteur, qu’avait alors l’orangiste sir Edward Carson, étaient un peu étrangères à son