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peu plus, mais les armes, dont les ulstériens étaient bien pourvus, manquent aux nationalistes. Sans les combattre ouvertement, le « Château, » si complaisant pour l’Orangisme, fait tout pour entraver leurs efforts : partialité dont les autorités gouvernementales en Irlande ne se sont jamais fait faute, mais qui, dans le cas présent, irrite plus que jamais le sentiment irlandais. Par exemple, dix jours après l’annonce de la création des volontaires nationaux, une « proclamation » vient comme par hasard interdire l’importation des armes ; une fois, à Howth, près de Dublin, les nationalistes réussissent à débarquer en contrebande une cargaison d’armes, comme avaient fait peu auparavant et sans encombre les Orangistes à Larne ; or au retour il y a collision avec la troupe, trois civils tués et trente blessés : c’était juste une semaine avant la guerre…

Au printemps de 1914, si l’Irlande est en apparence au calme et en paix, il y a donc une armée ulstérienne prête à jouer la rébellion contre le home rule, et une armée de volontaires nationaux qui s’organise en riposte ; et comme le gouvernement n’a pas eu l’énergie d’agir en temps utile pour mettre les premiers à la raison, il se trouve bien empêché d’intervenir pour dissoudre les seconds. Au Parlement, sir E. Carson et les Orangistes font leurs derniers efforts pour ruiner le bill du home rule. M. Asquith cherche à les apaiser en leur offrant d’exclure de la loi pour six années ceux des comtés de l’Ulster qui, consultés en référendum, voteraient à la majorité des électeurs pour l’exclusion ; Redmond accepte la transaction, poussant ainsi l’esprit de conciliation à un point qui lui est vivement reproché par ses compatriotes : Carson refuse, exigeant que l’exclusion soit définitive et s’applique d’office à tout l’Ulster (inclus les trois comtés à majorité catholique), ce qui fait dire à M. Churchill que décidément les Ulstériens préfèrent les voies de fait aux voies de droit et les balles aux votes. En vain le roi George convie en Conférence au palais de Buckingham les représentants des Orangistes et ceux des Nationalistes : encore une fois l’Orangisme se montre irréductible. Bref, à la veille de la guerre, le Parlement vote le home rule, un home rule très insuffisant d’ailleurs, surtout au point de vue financier, et que les nationalistes n’acceptent que pour aboutir ; mais M. Asquith a promis aux Ulstériens qu’avant d’être appliquée, la loi ferait l’objet d’un amendement par bill spécial, de sorte que l’Ulster tient