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livres, comme chacun sait. L’œuvre est finie ; à l’origine, elle était tout plaisir ; elle se transformait en corvée, chemin faisant. Elle est finie, bon débarras ; recommençons à penser, à étudier les hommes, et à nous faire aimer des femmes, si nous pouvons.

Il reste toujours original ; mais non plus par la fécondité de l’invention, puisque nous commençons à voir qu’il pense souvent avec les idées des autres. Son originalité vient d’abord, semble-t-il, de cette surprenante alternative d’effort créateur et de paresse assimilatrice : comme il était lorsqu’il fréquentait le cénacle du romantisme libéral, chez Delécluze : capable d’éblouir les assistants, tout un après-midi, par le feu d’artifice de ses paradoxes ; capable aussi de ne souffler mot, tout occupé de sa pêche aux idées. Son originalité vient ensuite de l’opportunité de ses choix. Car il choisissait le meilleur, et n’aurait pas facilement pris le change. Il distinguait, parmi ces livres innombrables qui lui passaient par les mains, justement la page efficace. Sa fantaisie et son caprice, outre la vivacité de son intelligence, lui permettaient d’aller de sommet en sommet, sans suivre les routes trop faciles qui descendent, sans s’attarder aux routes pénibles qui montent. De même qu’il n’avait pas besoin des opérations intermédiaires, quand il raisonnait, tant il voyait vite et tant il voyait clair : de même, lorsqu’il pillait autrui, supprimant les préparations, les transitions, et quelquefois les liaisons les plus nécessaires, il gardait cet air désinvolte et rapide qui lui donne une exceptionnelle allure. Il perd le mérite de l’originalité, pour bien des découvertes qu’il a l’air de faire, et qui ne sont plus en réalité que de vieilles trouvailles, et des dépouilles ; mais la sûreté de son choix est sans égale. Il cueille si dextrement des fleurs les plus vivaces, dans les jardins où il opère, qu’il semble créer quand il prend. Et dans ses bons moments, son butin l’alourdit si peu, qu’il a l’air de précéder les autres, quand il les suit.

N’était-il pas entendu qu’il méprisait le style ? N’a-t-il pas raconté, — tant mieux pour qui veut l’en croire, — qu’il lisait tous les matins quelques pages du Code civil, afin de se donner le ton ? Quelquefois, nous l’avons vu, il se contente de traduire le texte d’autrui, sans se donner la peine de le modifier aucunement. Mais quelquefois aussi, il apporte à sa matière d’emprunt des retouches si légères et si subtiles, qu’on reconnaît la