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LES PLAGIATS DE STENDHAL
D’APRÈS DE RÉCENTES PUBLICATIONS[1]


I

Ce fut d’abord une histoire assez divertissante, et Stendhal mit les rieurs de son côté. Quand il eut publié ses Vies de Haydn, Mozart et Métastase, sous le nom de Louis-César-Alexandre Bombet, il se trouva au moins un homme pour acheter l’ouvrage avec empressement. Carpani, Milanais installé à Vienne, auteur lui-même de Lettres sur Haydn qui avaient été accueillies avec faveur, se hâta de voir ce que M. Bombet avait pu écrire au sujet de son musicien préféré. Il crut rêver : il reconnaissait sa Vie de Haydn, telle qu’il l’avait conçue et exprimée ; Bombet l’avait pillée tout entière, faits, jugements, anecdotes, souvenirs. Il avait connu Haydn, il avait gagné son amitié, reçu ses confidences : et Bombet se targuait de cette intimité ! Un jour, ayant la fièvre, il avait été miraculeusement guéri par la musique de Haydn : et Bombet lui prenait sa fièvre ! Il protesta, fit appel au public : « Vous dites que vous avez eu ma fièvre à Vienne en 1799, et que vous avez été guéri par une messe de Haydn : je vous cite le docteur Frank, qui m’assista dans cette circonstance et admira en moi, non en vous, l’effet salutaire de la musique de Haydn… » Bombet ne se troubla pas pour si peu et se contenta de renvoyer à son adversaire l’accusation de plagiat. L’honnête Carpani, suffoqué de colère, riposta violemment : alors Louis-César-Alexandre suscita un autre Bombet, un Bombet junior,

  1. Paul Arbelet, L’Histoire de la Peinture en Italie et les plagiats de Stendhall, Paris, Calmann-Lévy, 1913 ; Stendhal, Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, Paris, Champion, 1914 (Œuvres complètes de Stendhal) ; F. Gohin, Stendhal, plagiaire de Mérimée (Minerve française, 1er janvier 1920) ; M. Barber, Encore un plagiat de Stendhal, les Mémoires d’un Touriste (Mercure de France, 1er février 1920). L’étude de Benedetto, Ermes Visconti e Stendhal, a paru depuis que cet article était écrit.