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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

verrons tout à l’heure comment Einstein a élucidé le mystère, démonté le mécanisme jumelé qui lie les deux phénomènes, et projeté sur tout cela un faisceau de brillante lumière. Mais n’anticipons pas…

Elle est d’ailleurs extrêmement faible, la contraction de l’appareil dans l’expérience de Michelson. Elle l’est tellement que si l’appareil avait une longueur égale au diamètre de la terre, c’est-à-dire 12 000 kilomètres, il ne serait raccourci dans le sens de la translation terrestre que de 6 centimètres et demi ! C’est dire que ce raccourcissement de l’appareil ne pourrait, étant donné son extrême petitesse, en aucun cas, être mesurable au laboratoire. Mais il y a une autre raison à cela : même si l’appareil de Michelson était raccourci de plusieurs centimètres (c’est-à-dire même si la terre avait une translation des milliers de fois plus rapide), cela ne pourrait être ni mesuré ni constaté. En effet, les mètres dont nous nous servirions pour faire cette mesure seraient raccourcis proportionnellement d’autant. La déformation d’un objet terrestre par la contraction de Fitzgerald-Lorentz ne peut être en aucun cas mise en évidence par un observateur terrestre. Seul pourrait la constater un observateur ne participant pas à la translation terrestre et placé par exemple sur le soleil, ou sur une planète lente, comme Jupiter ou Saturne.

Autrement dit, Micromégas, avant que de quitter, pour nous faire visite, sa planète d’origine, aurait pu, par des moyens optiques, constater que la sphère terrestre est raccourcie de quelques centimètres dans la direction de son orbite, supposé que l’aimable héros voltairien fût muni d’appareils de triangulation infiniment plus précis que ceux de nos géodésiens et de nos astronomes. Arrivé sur la terre, Micromégas, muni des mêmes appareils précis, eût été dans l’impossibilité de constater à nouveau ce raccourcissement. Il en eût éprouvé assurément une grande surprise jusqu’à ce que, rencontrant Einstein, celui-ci lui eût expliqué, — comme il fera pour nous, — et élucidé le mystère. Mais je n’ai hélas ! pas le loisir ni l’espace, — car c’est ici surtout que l’espace est relatif, et sans cesse raccourci par le mouvement même de la plume, — pour décrire aujourd’hui ce qu’aurait pu être le dialogue de Micromégas et d’Einstein. Peut-être d’ailleurs, pour rester dans la vraisemblance du pastiche, ce dialogue eût-il été fort superficiel, car —