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neux entre deux points de cette matière. Cette contraction est donc d’autant plus grande que la vitesse des corps par rapport à l’éther est plus grande.

Telle est l’explication proposée par Fitzgerald. Elle paraît au premier abord tout à fait étrange et arbitraire, et pourtant il n’y a pas d’autre moyen plausible d’expliquer le résultat de l’expérience de Michelson. D’ailleurs, si on y réfléchit, cette contraction paraît bientôt une chose moins extraordinaire, moins choquante pour le sens commun qu’il ne semblait d’abord. Si on jette très vite, contre un obstacle, un objet déformable, tel qu’un de ces petits ballons de baudruche que les enfants tiennent en laisse, on constate qu’il est légèrement déformé par l’obstacle, et précisément dans le sens de la contraction Fitzgerald-Lorentz. Le ballon cesse d’être sphérique, il s’aplatit un peu et de telle sorte que son diamètre dans la direction de l’obstacle devient plus petit. C’est après tout, avec plus de violence, le même phénomène qui se produit lorsqu’un grain de plomb ou une balle vient s’aplatir sur un blindage. Si donc les corps solides sont déformables, — et ils le sont, puisque le froid suffit à resserrer leurs molécules, — il n’y a après tout rien d’absurde, rien d’impossible à ce qu’un violent vent d’éther les déforme. Mais ce qui est beaucoup moins admissible, c’est que cette déformation soit identiquement la même, dans des conditions données, pour tous les corps, quelle que soit la matière dont ils sont formés. Notre petit ballon de tout à l’heure ne serait pas du tout déformé autant, s’il était en acier au lieu d’être en baudruche.

Enfin, il y a dans cette explication quelque chose de tout à fait invraisemblable, quelque chose qui choque à la fois le bon sens et sa caricature, le sens commun. Est-il admissible que la contraction des corps, quelles que soient les circonstances des expériences (et on les a beaucoup variées), compense toujours exactement l’effet optique qu’on cherche à déceler ? Est-il admissible que la nature agisse comme si elle jouait à cache-cache avec nous ? Par quel mystérieux hasard se trouverait-il pour chaque phénomène une circonstance spéciale, providentiellement et exactement compensatrice ? Évidemment, il doit y avoir quelque affinité, quelque liaison, d’abord inaperçue, qui lie étroitement la mystérieuse contraction matérielle de Fitzgerald et l’allongement, compensé par elle, des trajets lumineux. Nous