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tence de l’aberration et d’autres phénomènes semble prouver que l’éther n’est pas entraîné par la terre dans son mouvement circumsolaire ; 3o  l’expérience de Michelson semble prouver au contraire que l’éther est entraîné par la terre dans ce mouvement.

Cette contradiction entre des faits également bien établis a fait pendant des années le désespoir et l’étonnement des physiciens. Elle fut le nœud gordien de la science. On chercha longtemps et en vain à le dénouer, jusqu’à ce qu’Einstein, d’un seul coup de son esprit merveilleusement aiguisé, le tranche net.

Pour comprendre comment cela se fit, — et là est le point vital de tout le système, — il nous faut revenir un peu sur les conditions exactes de la fameuse expérience de Michelson.

J’ai récemment indiqué ici même[1] que Michelson s’est proposé d’étudier la vitesse de propagation d’un rayon lumineux que l’on produit au laboratoire et qui est dirigé de l’Est à l’Ouest ou de l’Ouest à l’Est, c’est-à-dire suivant la direction même où la terre se meut, à la vitesse de 30 kilomètres environ par seconde, dans son mouvement autour du soleil. Soit donnée la vitesse de la lumière dans l’éther qui est à peu de chose près de 300 000 kilomètres par seconde. Si le rayon lumineux étudié se propage dans le même sens que la terre, l’observateur qui le reçoit à l’autre extrémité du laboratoire et qui fuit devant lui à la vitesse de 30 kilomètres par seconde (puisque la lumière progresse dans l’éther immobile) devra constater que ce rayon lumineux lui parvient avec une vitesse égale à 300 000 − 30 kilomètres. Si au contraire ce rayon était dirigé en sens inverse, l’observateur placé à l’opposé de sa position précédente, et allant à la rencontre du rayon avec une vitesse de 30 kilomètres à la seconde, devrait trouver qu’il lui arrive avec une vitesse, par rapport à lui, de 300 000 + 30 kilomètres. Or on ne trouve aucune différence quand on fait l’expérience. Pour éviter une confusion qui se produit quelquefois, il convient de rappeler que la translation de la terre autour du soleil l’entraîne à une vitesse de 30 kilomètres par seconde, tandis que la rotation de la terre sur elle-même ne déplace sa surface qu’avec une vitesse négligeable par rapport à celle-là et qui est toujours inférieure à un demi-kilomètre par seconde.

  1. Voyez la Revue du 15 août 1921, p. 944-946.