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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

sophique, jamais non plus une construction mathématique purement formelle n’a fait découvrir des phénomènes nouveaux. C’est parce qu’elle en a fait découvrir que la théorie d’Einstein n’est ni l’une ni l’autre. C’est cela qui différencie la théorie scientifique de la spéculation pure et qui fait, j’ose le dire, la supériorité de celle-là. Ainsi qu’un audacieux pont suspendu jeté à travers l’abîme, la synthèse d’Einstein s’appuie, d’un côté, sur des phénomènes expérimentaux pour aboutir, par son côté opposé, à d’autres phénomènes jusque-là insoupçonnés, et que grâce à elle on découvre. Entre ces deux solides piliers phénoménaux, le raisonnement mathématique est l’enchevêtrement merveilleux des milliers de croisillons d’acier qui dessinent l’architecture élégante et translucide du pont. Il est cela, il n’est que cela. Mais l’agencement des poutrelles et des croisillons pourrait être différent et le pont réunir quand même, — avec moins de gracieuse légèreté peut-être, — les faits où il s’arcboute des deux parts.

En un mot, le raisonnement mathématique n’est qu’un raisonnement déduit dans un langage particulier entre des prémisses expérimentales et des conclusions justiciables de l’expérience et vérifiables par elle. Or il n’est point de langage qui, — tant bien que mal, — ne puisse être traduit dans un autre langage. Les hiéroglyphes eux-mêmes ont dû céder devant Champollion. C’est pourquoi finalement je suis persuadé que les difficultés mathématiques des théories d’Einstein seront un jour remplacées par un jeu de formules plus simples et plus accessibles. C’est pourquoi je crois aussi qu’il doit être dès maintenant possible de donner, au moyen du langage ordinaire, une idée, peut-être un peu superficielle, mais pourtant exacte et, dans les grandes lignes, complète, de ce merveilleux monument einsteinien où toutes les conquêtes de la science viennent aujourd’hui se classer, ainsi qu’en un admirable musée, dans un ordre nouveau et d’une splendide unité. Essayons.

On peut récapituler très brièvement de la manière suivante ce qui a été l’origine, la tranchée de départ du système d’Einstein : 1o  l’observation des astres prouve que l’espace interplanétaire n’est pas vide, mais est occupé par un milieu particulier, l’éther, dans lequel se propagent les ondes lumineuses ; 2o  l’exis-