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risqué de compromettre et de briser l’Entente. Souhaitons, du moins, que cette douloureuse leçon ne soit pas perdue. Faussée par ces longues et malencontreuses pratiques, l’Entente elle-même a maintenant besoin d’être redressée. Il faut que la France y reprenne la place à laquelle elle a droit et qu’elle n’y apparaisse plus comme un « brillant second ; » il faut qu’un traité dont l’Angleterre a été l’une des principales inspiratrices soit aussi scrupuleusement respecté dans les parties qui nous intéressent que dans les clauses qui lui profitent ; il faut que les concessions que la peur maladive de voir nos amis rentrer dans leur île nous a entraînés à leur faire ne leur donnent pas l’illusion que nous sommes prêts à des concessions indéfinies.

Mais aujourd’hui que la session du Conseil suprême a été clôturée par ce que la Nation belge a très justement appelé un procès-verbal de carence, que va-t-il advenir de la Haute-Silésie ? M. Lloyd George et M. Briand ont déclaré qu’ils accepteraient sans réserve la décision que prendrait la Société des Nations ; et M. Lloyd George a même été jusqu’à parler, devant la Chambre des Communes, d’un jugement que prononcerait cette Société. Il va sans dire que les Gouvernements auront à s’approprier cette décision, quelle qu’elle soit, et à en prendre la responsabilité. Autrement, il ne resterait rien ni de l’article 88 du traité de Versailles, ni de l’annexe, car ce sont les « principales Puissances alliées et associées, » et non la Société des Nations, que le traité charge de fixer la ligne frontière. Mais, n’étant pas parvenus à se mettre d’accord, les membres du Conseil suprême avaient évidemment le droit de demander une consultation à la Société des Nations, même en s’engageant, les uns vis-à-vis des autres, à respecter l’avis qui leur serait donné. Ils sont obligés par le traité de déterminer la frontière, mais ils ne doivent compte, ni à l’Allemagne, ni à la Pologne, des moyens qu’ils emploient pour former leur conviction. Aux termes de l’article à du Covenant, « tout membre de la Société des Nations a le droit, à titre amical, d’appeler l’attention de l’Assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix dépend. » C’est à cet article que s’est référé le Conseil suprême pour saisir, non pas l’assemblée plénière de la Société, mais son conseil, qui, d’ailleurs, aux termes de l’article 4, « connaît de toute question rentrant dans la sphère d’activité de la Société ou affectant la paix du monde. »

Bien entendu, il ne s’agit pas d’un arbitrage et le mot de juge-