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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Lloyd George, fort de la pensée commune de l’Empire britannique, mais, tout de même, un peu fatigué, sinon même un peu agacé, des longues discussions qu’il avait soutenues dans la conférence impériale, est arrivé à Paris avec une idée très arrêtée sur le partage de la Haute-Silésie. Il n’en a pas voulu démordre ; il l’a défendue avec une âpreté inaccoutumée, sans rien retenir des propositions que présentaient les experts. M. Briand se montrait cependant disposé à la conciliation ; il se rabattait, de guerre lasse, sur la ligne qu’avait tracée le comte Sforza dans le précédent cabinet italien et qui, malgré son caractère transactionnel, était encore beaucoup plus avantageuse pour le Reich que pour la Pologne. Mais M. Lloyd George est resté intraitable. Il a persisté à réclamer l’attribution à l’Allemagne de presque toute la riche région qu’on a appelée le triangle industriel et, dans l’espoir de faire accepter son point de vue, il a joué la scène classique de la fausse sortie ; il a prétexté qu’il était rappelé à Londres par les affaires d’Irlande et il a fiévreusement bouclé sa valise. Les ministres français ont tenu conseil et ont refusé de céder. La pièce a aussitôt trouvé, dans une péripétie savamment préparée, un dénouement provisoire. M. Lloyd George a donné à entendre que le sort de l’Entente était en jeu, que c’en était fait, qu’elle allait périr, et au dernier moment, cette malheureuse Entente, qu’on croyait menacée de mort, a échappé à l’écartèlement, par un renvoi propice de l’affaire à la Ligue des Nations. M. Lloyd George a couru à la gare du Nord et les agences se sont hâtées de calmer l’univers anxieux, en annonçant que l’Entente était sauvée.

Sauvée, c’est entendu. Mais comme le dit toujours le Times, dont on ne saurait trop méditer, au lendemain de ces tristes incidents, les observations si fines et si raisonnables, n’est-il pas fâcheux qu’on ait pris légèrement l’habitude de faire de l’Entente la toile de fond des représentations données par les hommes politiques ? L’Entente est, Dieu merci ! autre chose qu’un décor de théâtre ; c’est un monument solide qu’ont édifié deux grands peuples, conscients de leurs intérêts permanents, et qu’ils ne laisseront pas détruire. Enterrons donc, j’y consens volontiers, le Conseil suprême ; mais ne laissons pas croire qu’il a sacrifié sa pauvre vie débile et agitée à l’avenir de l’Entente. C’est lui, au contraire, c’est sa procédure néfaste et ostentatoire, ce sont les perpétuelles luttes d’amour-propre et de vanité dont il a été la cause, ce sont les secrètes rivalités entre des u moi » qui veulent occuper plus d’espace, c’est la précipitation tapageuse, le goût de la publicité, le dédain affiché de l’expérience diplomatique, qui ont