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d’une rupture. Mais cette procédure a toutes les apparences d’un de ces gestes désespérés auxquels recourent les Assemblées parlementaires, lorsque, ne sachant comment sortir d’embarras, elles renvoient les projets aux commissions. La question de Haute-Silésie reste ouverte, et le Conseil suprême a fait la démonstration publique de son impuissance à la régler. Comme le Times l’a excellemment remarqué dans l’article dont je viens de parler, cette banqueroute du Conseil suprême ne signifie nullement la rupture de l’Entente ; elle marque beaucoup plutôt la fin et la condamnation « de la futile procédure suivant laquelle ont été conduites jusqu’ici les affaires de l’Entente. » C’est l’aveu du complet avortement de cette étrange institution dont je ne me suis pas lassé de dénoncer la dangereuse anomalie et à laquelle on avait attribué, avec un incroyable mépris des Parlements et des peuples, je ne sais quelle olympienne souveraineté.

Que j’ai plaisir à trouver aujourd’hui, dans le grand journal anglais, un jugement encore plus sévère que le mien ! « Par l’inaptitude de ses méthodes et le caractère irréfléchi de ses décisions hâtives et improvisées, le Conseil suprême a fait plus de tort à l’Entente et à la cause des Alliés victorieux que toutes les intrigues de nos pires ennemis. Ces réunions fugitives des premiers ministres, subitement assemblés aux heures de crise internationale, avec leurs breakfasts et leurs lunches à demi publics, avec leurs discours qu’ils prononcent, un œil fixé sur les courants variables de leur opinion nationale ; ces annonces dramatiques de quelque crise aiguë que les protagonistes du Conseil suprême sont appelés, espère-t-on, à dénouer par une brillante inspiration ou par la découverte d’une formule magique, tout cela crée l’atmosphère la plus défavorable qu’on puisse imaginer pour une délibération féconde sur des questions internationales très compliquées. » Impossible de mieux dire, et l’auteur de cet admirable article a également eu raison d’ajouter que, dans les assemblées périodiques du Haut Conseil exécutif des Puissances alliées, les qualités qui ont déterminé le succès ne sont malheureusement pas la connaissance ou l’expérience des affaires diplomatiques, mais les ressources oratoires, la vivacité des reparties, en un mot, les talents qui réussissent à la tribune et produisent effet sur des électeurs. Oui, c’est vrai. Rien n’a été plus pénible que cette reprise à Paris d’une théâtrale discussion sur la Haute-Silésie, qui a commencé par un magnifique concours d’éloquence, qui s’est poursuivie par d’élégants échanges de traits d’esprit et dans laquelle les experts n’ont même pas été libres de jouer le rôle du souffleur.