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REVUE. — CHRONIQUE.

Canada, lorsque nous entendons prononcer les vieux noms que nos colons ont donnés jadis aux lacs, aux rivières, aux villages du pays qu’ils découvraient, nous éprouvons une émotion qui tient de la nostalgie et qui n’est, comme elle, ni sans douceur ni sans tristesse. De même, quel est celui d’entre nous qui, à la lecture du petit chef-d’œuvre de Louis Hémon, Maria Chapdelaine, que M. Daniel Halévy a eu l’excellente inspiration de rééditer récemment dans les « Cahiers verts, » ne sentira pas au fond de lui, en même temps que la divine joie d’admirer une parfaite œuvre d’art, la volupté de se replonger dans le passé de la France ? Lac à l’eau claire, la Famine, Saint-Cœur de Marie, Trois Pistoles, Sainte-Rose du dégel, Pointe aux Outardes, Saint-André de l’Épouvante, Notre-Dame du Partage, les grandes Bergeronnes, ces chères syllabes tintent à nos oreilles, avec la mélancolie des cloches du soir. Mais dans les Flandres et en Picardie, à l’assaut des tranchées ennemies, le Canadien anglais ne se distinguait pas du Canadien français, et les Néo-Zélandais rivalisaient, eux aussi, de courage avec les troupes de l’Inde et de l’Australie.

Fournissant à l’Empire, en des heures tragiques, autant de vies humaines, les Dominions ne pouvaient naturellement se désintéresser de la direction de la guerre. De 1916 jusqu’à l’armistice, les premiers ministres d’outre-mer et les représentants de l’Inde vinrent fréquemment siéger à Londres, dans le Cabinet impérial de guerre, avec les membres du Gouvernement britannique, pour arrêter les mesures nécessaires à la continuation des hostilités. Les sacrifices que s’imposaient les Dominions leur suggérèrent même, en 1917, l’idée de réclamer une réforme des institutions impériales et, à leur instigation, le cabinet de guerre émît le vœu qu’après la paix, une « conférence constitutionnelle » fût convoquée, à l’effet de réviser le système qui relie tant bien que mal entre elles les différentes parties de l’Empire. Après l’armistice, les méthodes inaugurées durant la guerre trouvèrent une application nouvelle ; chaque fois qu’il y eut à prendre une résolution importante, les Dominions participèrent aux délibérations de la délégation britannique. Le Canada, l’Australie, l’Union sud-africaine, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, eurent leurs représentants, et ils signèrent le traité de Versailles tout comme MM. Woodrow Wilson, David Lloyd George ou Georges Clemenceau. Lorsque la Société des Nations fut fondée, le Canada, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Inde furent déclarés membres originaires au même titre que la Grande-Bretagne ; s’ils ne font pas, de droit,