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Aux dossiers des chaises et sur la tablette des prie-Dieu, il y a les noms des personnes pieuses qui, le matin, viennent à l’appel de la cloche : saintes demoiselles…

Être un membre de leur famille !…
Elles nous recevraient joyeuses : le voici,
Le méchant cousin de Paris !
Elles nous feraient goûter leurs confitures
Et leur cassis,
Et prieraient tant pour nous gagner le paradis
Que nous irions tout droit bien sûr !…

Le poème continue ; mais, comme effaré de s’être attendri un instant, le poème tourne à une anecdote de plaisante diversion.

L’ironie de M. Franc-Nohain cache une extrême sensibilité, la dissimule et en est le signe. Autrement, l’ironie de M. Franc-Nohain ne serait qu’un stratagème ou une facétie d’écrivain : ce n’est rien. Cette ironie est ravissante.

Cette ironie veut qu’il peigne plutôt ce qu’il n’aime pas que ce qu’il aime. Seulement, ce qu’il n’aime pas indique ce qu’il aime et vous le désigne par un moyen détourné. Ce qu’il aime, il feint, — et il feint à lui-même, — de ne le pas tant aimer. C’est au milieu de ces feintises, autant d’aveux, que transparaît la sensibilité de M. Franc-Nohain, très délicate, infiniment subtile.

Et tendre ! Elle est plus tendre qu’ailleurs dans un volume intitulé Jaboune et qui est l’histoire d’un petit garçon de huit ou neuf ans : l’histoire, ou plutôt les fragments de cette histoire. L’âme d’un enfant n’a pas encore trouvé la pensée principale en vertu de laquelle se composerait l’univers pour elle. Et puis l’âme d’un enfant ne se révèle pas à vous si clairement que vous la puissiez voir en plein, dans sa totalité ni dans sa continuité : vous en avez des aperçus ; vous y faites soudainement des découvertes imprévues.

Pourquoi M. Franc-Nohain donne à ce Jaboune tant d’amitié, je n’en sais pas toutes les raisons. Il y a celle-ci, que Jaboune, à l’inverse d’autres petits garçons, ne vous interroge pas. Un problème l’embarrasse, dont vous savez la solution ; mais il ne vous la demande pas ; il la cherche, tout seul. Il combine des hypothèses, qui lui deviennent certitudes. Ses hypothèses ne valent rien, mais valent pour lui, car elles sont de lui. Jaboune est fier ; et Jaboune enfin n’est pas du tout « à l’instar : » il est sincère et a l’âme d’un homme. Il en pâtit, quelquefois. Cette petite âme, enfermée dans sa fierté, isolée par