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libre, son jeu subtil d’allitérations et d’assonances, une étrange musique. Voilà ce qu’il emprunta et que, du reste, il modifia selon sa guise. Mais, quant aux grands symboles d’une poésie aventureuse, il les négligea : il aimait l’ordre, le bon sens et la clarté. Il n’était point un rêveur que les idées vagues enchantent : il était le railleur que je disais, le railleur et le moraliste, un moraliste qui feint de plaisanter, même s’il ne plaisante pas. En vers libres et d’une allure à peu près symboliste, il a composé une très maligne satire, souvent rude, et parfois rêche, lyrique pourtant.

Souvenez-vous des Odes funambulesques : la splendide poésie des romantiques aboutit à un merveilleux badinage. M. Franc-Nohain nous apparut, à la fin du siècle dernier, comme le Théodore de Banville du symbolisme…

J’ai rêvé d’une petite gare dans un pays perdu,

Où personne, jamais personne, ne serait descendu.
Et, lorsque le train passe,
Le chef de gare aurait des gestes pleins de grâce
Et de bons sourires engageants…
Puis, une fois, une seule fois,
Ô joie !
Un gros monsieur aurait ouvert
La portière :
Ce serait une fausse joie.
— Monsieur, soyez le bienvenu !

Dirait le chef de gare, étrangement ému…

Mais le gros monsieur n’est pas descendu. Personne jamais ne descend. Et, au bout du compte, le chef de gare s’est pendu.

C’est la Chanson des trains et des gares, drôle de chanson, qui a maints détours de gaieté, puis des refrains de nostalgie. Elle célèbre les voyages, puis s’attriste sur la ridicule vanité des voyages. Elle est fougueuse et casanière. Elle nous invite à nous rappeler Jules Laforgue et sa poésie des adieux où l’on fait semblant de sourire ; Jules Laforgue et aussi ce passage de l’Imitation où il est dit que l’on a tort d’aller à la promenade, ou fort loin, chercher le spectacle de l’air, de la terre, du feu et de l’eau, les éléments qui sont partout et leurs combinaisons peu variées. Elle a de l’analogie avec les routes, ah ! nationales ou départementales, qui s’allongent vers l’inconnu et dont les bornes marquent les courtes étapes de notre élan.

La Nouvelle cuisinière bourgeoise ou les Plaisirs de la table, suivis des Soucis du ménage : un essai, dit le poète, un essai d’ajouter le