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entre la coque et les quais. Ces navires géants, de 43 200 tonneaux de déplacement, ne seront-ils jamais dépassés ? C’est ce que beaucoup de bons esprits se demandent de l’autre côté de l’Atlantique. Ne parle-t-on pas en Angleterre de construire des bateaux de 55 000 tonnes ! Certaines personnalités préconisent donc l’idée de mettre dès maintenant à l’étude, soit le doublement du canal dans l’isthme de Panama, soit le percement d’un autre canal au Nicaragua. Ce dernier projet n’est pas nouveau, car déjà il en avait été question avant le vote du Spooner Bill, en 1902, quand le Gouvernement des États-Unis tergiversait au sujet du rachat à la Société française des travaux du canal, mais il avait été abandonné pour les raisons suivantes :

S’il était possible, sur la côte du Pacifique, de creuser un port, il fallait à peu près y renoncer sur l’Atlantique, les apports de la rivière San Carlos rendant depuis longtemps inutilisable le havre de Greytown.

Le tracé du futur canal avait à traverser le lac de Nicaragua dont le niveau est très variable et il se trouvait dans une région sujette à des tremblements de terre capables de bouleverser les travaux que l’on avait l’intention d’établir. Celui de 1844 aurait non seulement détruit les ouvrages d’art, mais encore les navires passant d’un océan à l’autre. De plus, il y avait dans le voisinage, deux volcans, l’Ometepe en pleine activité en 1883, et le Monotambo qui se réveilla soudain en 1905, après une cinquantaine d’années d’accalmie.

Enfin, si le vent souffle avec violence sur toute la côte de l’isthme de Panama, il n’atteint jamais cependant la même puissance qu’à Nicaragua où les pluies, pendant la saison, sont quelquefois tellement denses que toute navigation deviendrait impossible.

Que valent toutes ces objections à ce dernier projet ? C’est ce que l’avenir dira si le canal par le Nicaragua est mis à exécution. Mais avant tout, les États-Unis vont-ils se lancer, soit à Panama, soit ailleurs, dans d’aussi grands travaux ? La réponse à cette question sera résolue par le congrès de Washington et par le nouveau Président qui, dès son entrée en fonctions, se trouve en face d’un délicat problème à résoudre, s’ajoutant à tant d’autres !

Jean de Kergorlay.