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sur les fourches, des nids de guêpes gros comme d’énormes ballons d’enfants, se sont collés aux branches. C’est un étrange contraste que celui de ces troncs vénérables, chauves, et de leurs voisins qui, plus heureux qu’eux, n’ont pas été touchés par le feu ou l’inondation. Sur les îles, sur les rives du lac, la forêt tropicale, impénétrable, mystérieuse, descend touffue, exubérante, jusqu’à l’eau dans laquelle elle se mire. Les palmiers, les acajous, les gaïacs, les ficus, les cèdres, les sabliers et les grands bombax-céibas, l’arbre à laine, forment une voûte sous laquelle poussent, au milieu de la mi-obscurité, aussitôt qu’un filet de lumière parvient jusqu’à elles, les fougères et les mille variétés de plantes aux ravissants feuillages.

Sur toute la gamme de la verdure, des grands arbres chargés de mousses, d’orchidées innombrables, de plantes grasses, d’autres se détachant en pleine floraison, ne sont que des masses jaune d’or, rosées ou rouges comme celles des flamboyants qui illuminent la forêt et dont la splendeur dépasse toute imagination. Puis, sur les bords du lac, des aigrettes d’une blancheur immaculée, des pélicans bruns, des papillons diaprés et des libellules d’or, passent sans cesse pendant la matinée et vers le crépuscule, tandis que sur l’humus chaud des sous-bois et dans les eaux croupissantes, caché par les nénuphars, les roseaux et les larges feuilles des faux bananiers, on sent tout un peuple d’insectes et de reptiles à l’affût d’une proie. Rien ne peut donner une impression de vie plus intense que celle de cette végétation produisant sans cesse sans jamais se lasser.

À Panama comme dans beaucoup d’autres parties de l’Amérique tropicale et équatoriale, les fils télégraphiques, les disques, toutes les pièces métalliques en un mot seraient recouvertes d’une épaisse toison de mousses et d’autres parasites si, plusieurs fois par an, elles n’étaient passées au pétrole. Une pièce de bois abandonnée sur le sol devient, en peu de temps, une plate-bande de ces plantes des pays chauds qui s’accrochent et prospèrent partout où elles en trouvent le moyen.

Le lac Gatun se termine dans la direction de Panama auprès de la vallée du Chagres, vers Bas Obispo. C’est là que commence la tranchée de la Culebra, dont on a tant parlé et qui a donné et donne encore un tel mal aux ingénieurs. Pendant une