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l’ouvrage, procède à ces multiples opérations en tournant, et sans presque jamais regarder au dehors, des commutateurs électriques disposés sur une longue table. S’il se trompe dans ses manipulations et touche un commutateur autre que celui qu’il doit toucher, rien n’obéit, l’ordre des opérations ne pouvant être interverti.

J’ai assisté à Gatun, du quai et de la cabine de l’opérateur, au passage complet d’un pétrolier américain de 14 000 tonneaux de déplacement, allant vers le Pacifique. En quarante ou quarante-cinq minutes, et c’est à peu près le temps normal, du niveau de la mer il a été remonté dans les eaux du lac.

A côté des écluses dont nous venons de parler se trouve le barrage, la digue, retenant les eaux du lac. Elle est longue de plus de 2 400 mètres ; sa largeur à sa base est de 800 mètres et au niveau de l’eau de 20 mètres. Un grand déversoir a été créé pour faciliter l’écoulement du surplus des eaux en cas de crues exceptionnelles. Grâce à des vannes spéciales il pourrait donner passage à 4 000 mètres cubes d’eau à la seconde, et, si cela ne suffisait pas, 2 000 autres mètres cubes pourraient passer par aqueducs des écluses. En temps normal, le trop plein de l’eau sert à faire de l’électricité dont on use en abondance sur tout le parcours de l’isthme. Les écluses sont naturellement éclairées la nuit, ce qui permet aux bateaux de traverser à toutes les heures. Chaque passage de navire consomme, — il n’est pas besoin de le dire, — #une énorme quantité d’eau ; mais le lac Gatun en contient une telle masse que l’on estimait pouvoir faire face à un trafic de 88 000 000 de tonnes.

Pour se rendre compte de l’énormité du travail accompli, il faut non seulement le voir sur place, mais de plus il est nécessaire de compulser les chiffres des matériaux employés et des terrassements effectués. Beaucoup de personnes qui avaient visité les chantiers pendant les travaux m’ont dit qu’ils étaient bien plus imposants alors. Je le crois volontiers et c’est du reste ce qui arrive généralement pour toutes les créations humaines dans lesquelles l’impression de l’effort déployé s’évanouit avec l’achèvement de l’œuvre pour ceux qui n’en ont pas été les artisans.

La grande digue, à elle seule, représente un cubage de près de 19 000 000 de mètres. La maçonnerie des écluses et du déversoir atteint 1 600 000 mètres cubes. Le sable qui est entré dans