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trouvé, en certains endroits, qu’à plus de 50 mètres de profondeur.

Des légions de moustiques, tourbillonnant dans l’air, rendaient celtt contrée extrêmement insalubre. C’était le royaume de la fièvre jaune et de la malaria. La première de ces maladies a totalement disparu et la seconde se trouve efficacement enrayée grâce aux précautions prises.

Il est difficile maintenant d’imaginer ce qu’était cette terre de cauchemar à peu près inhabitable, quand on traverse en automobile Cristobal et Galun. Les marécages ont été drainés ou en partie comblés et sur les bords d’une route, dont bien peu de rues de Paris peuvent offrir le pendant, s’élèvent des maisons coloniales et des casernes, respirant la fraicheur. Elles sont entourées de haies de crotons tigrés, de bougainvilleas éblouissants, de bignonias dorés comme le feu. De grands arbres tour à tour couverts de fleurs suivant la saison les ombragent ; des gazons tondus de près, verts comme des tapis d’émeraude, des barrières blanches, achèvent de donner à ce pays, jadis maudit, un aspect enchanteur. Dans les potagers, des Chinois méticuleux vêtus de bleu, coiffés de larges chapeaux de paille coniques, vont et viennent, portant sur l’épaule, au bout de longues perches, des seaux d’eau, ou arrachent les mauvaises herbes sans cesse renaissantes. Dans nos climats, les jardiniers ne se doutent pas de ce que peut être, sous les tropiques, la lutte continuelle contre la végétation envahissante.


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Avant de continuer notre route, il est nécessaire de rappeler brièvement la géographie de l’isthme. Du Nord au Sud des deux Amériques, une longue chaîne de montagnes, aux reliefs souvent très puissants, court parallèlement au Pacifique, avec des noms différents. A hauteur de Panama, elle se présente sous l’aspect de collines de faible élévation, dont la ligne de faîte, distante d’environ 17 kilomètres du Pacifique, est séparée de l’Atlantique par une longue étendue d’ondulations sensiblement plus basses, se conformant ainsi, toutes proportions gardées, a la loi générale de plissement du continent américain. Cet ensemble de hauteurs forme le bassin d’un fleuve, le Chagres, qui va se jeter dans la mer à l’Ouest de Colon. Son débit, variable, est cependant considérable surtout pendant la saison des pluies, qui dure neuf mois de l’année.