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L’Empereur avait beaucoup d’ordre en toutes choses. Il ne pouvait sentir ceux qui n’en avaient pas. En matière de finances, il voulait que, tous les mois, les comptes fussent arrêtés et soldés. Il examinait avec attention tous les articles de dépense, les uns après les autres. Quand il s’apercevait qu’une chose avait été payée trop cher, il le faisait observer, afin qu’à l’avenir on y prit garde. Il mettait autant d’importance à un compte de quelques centaines de francs, qu’il en eût mis à un de quelques millions. Il avait bonne mémoire et connaissait trop bien les chiffres pour qu’on l’induisit en erreur, ce qui ne plaisait guère aux fripons. Il citait à ce sujet ces trop fameux fournisseurs des armées de la République, qui faisaient payer au gouvernement deux ou trois fois la valeur de ce qu’ils avaient fourni, par toutes les fraudes qu’ils mettaient en usage dans ces temps de désordre…

Il réprimandait sévèrement ceux des siens, petits ou grands, qui faisaient des dettes. Toute dépense courante, suivant lui, devait être payée à la fin du mois ou au commencement du suivant. « Combien de fois, disait-il, ai-je payé les dettes de plusieurs de mes généraux, pour ne pas entendre crier après eux ! »

Dans ses appartements, sa chambre, son cabinet, son salon, il voulait voir régner l’ordre. Il ne pouvait souffrir qu’une chose dont il se servait habituellement fût changée de place ; il voulait une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Aussi les personnes qui le servaient étaient tellement faites à ses habitudes, qu’il était fort rare qu’elles cherchassent n’importe quoi, que l’Empereur leur demandait. Ce qui avait eu lieu à Paris existait également à Sainte-Hélène.

L’ordre n’existait pas moins dans ses papiers que dans toute autre chose. Ceux du travail fini étaient soigneusement serrés dans une petite armoire de son bureau, et ceux du travail qui ne l’était pas, étaient rangés à droite et à gauche de la place qu’il occupait à ce même bureau.

Quand l’Empereur avait donné sa confiance à quelqu’un, il la lui ôtait difficilement ; mais, dès le moment qu’il s’apercevait qu’on l’avait abusé, trompé, et qu’il en avait dans les mains des preuves convaincantes, il ne pouvait plus souffrir le