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lui suffit. Mais elle peut le faire mieux connaître à ceux qui l’ignorent ; car le Christ est à peu près inconnu parmi notre peuple. Combien y a-t-il d’ouvriers d’usines qui se soient entretenus avec lui ? Un théologien trop zélé relevait, sous Pie X, comme une erreur inhérente au « modernisme, » — on disait sous Léon XIII « américanisme » et sous Pie IX « libéralisme, » — cette proposition que : « il faut abandonner les procédés et la méthode dont les catholiques ont usé jusqu’à ce jour pour ramener les dissidents, afin de lui en substituer une autre à l’avenir. » Or, pratiquement, l’Eglise n’a cessé de changer « ses procédés » et « sa méthode, » afin de ramener les dissidents. Son apostolat, son instruction, son prosélytisme, se sont modifiés constamment, en prenant sans cesse d’autres formes, en tenant un autre langage, pour se plier aux temps, aux lieux, aux circonstances, et, l’on peut en être sûr, elle continuera à s’y plier pour accomplir sa mission. La foi ne changera pas, mais les formes contingentes de l’Eglise changeront ; elles ne font pas autre chose depuis dix-neuf cents ans. Les changements dans l’avenir ne pourront jamais être plus grands, quelque grands qu’ils soient, que les changements dans le passé.

Par exemple, la désignation des évêques. Lors de la première nomination, celle qui fut faite à Jérusalem, au lendemain de l’Ascension du Christ, les onze apôtres ne voulurent pas procéder seuls au remplacement de Judas. Ils y convièrent des disciples qui formèrent avec eux un collège électoral de cent vingt personnes, disent les Actes, et comme deux candidats présentés se partageaient les suffrages, on tira leurs noms au sort, en priant Dieu de choisir le plus digne.

De là aux élections populaires des premiers siècles, puis aux élections capitulaires du moyen âge, il y avait encore moins de distance qu’il n’y en eut depuis que le droit d’élection, dont les chapitres furent dépossédés par le Concordat de 1516, se trouva transféré au roi seul en échange du cadeau fait à la cour de Rome des Annates, — un an de revenu de tous les bénéfices français à chaque vacance. — Et depuis que ce droit royal a disparu par la séparation de 1905, qui semblait rendre naturellement au clergé français ses antiques prérogatives, le Saint-Siège a cru devoir se réserver à lui seul le recrutement des premiers pasteurs en France, comme il en use dans les pays de missions d’Afrique ou d’Asie… sans doute jusqu’à ce qu’un