Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris et les trois départements d’Alsace et de Lorraine mis à part, — sur les 34 millions d’individus des deux sexes qui peuplent notre République, 10 millions environ sont des catholiques pratiquants, 16 à 17 millions s’acquittent plus ou moins des devoirs imposés par l’Église, mais en remplissent cependant une partie, comme l’assistance intermittente à la messe du dimanche ; et 7 à 8 millions seulement, parmi lesquels un petit groupe nettement hostile, vivent sans souci d’aucun culte et, bien que baptisés, ne sont chrétiens que de nom.

Tel parait être, après quinze années de séparation d’avec l’Etat, l’étiage des croyances françaises. On ne saurait soutenir sérieusement que le pays s’est « déchristianisé. » On pourrait plutôt affirmer le contraire, et que c’est précisément parce que la foi catholique a gagné du terrain sous un régime dont ses amis s’effrayaient tant et dont ses ennemis espéraient tout ; c’est précisément parce que l’opinion du pays est devenue plus favorable à l’Eglise, que les pouvoirs publics viennent de renouer aujourd’hui des rapports diplomatiques avec le Vatican.

Le plus illustre des archevêques de Paris au XIXe siècle, Mgr Affre, en délicatesse avec les ministres du roi Louis-Philippe qui, disait-il, « ne voyaient dans la religion qu’une machine gouvernementale, » écrivait à Montalembert : « Je suis pour la liberté donnée au clergé comme aux autres citoyens, parce qu’on ne peut rien lui donner d’aussi précieux. » Cette liberté, que possèdent les autres citoyens, de s’associer et de posséder en société, le clergé ne la possède pas dans notre démocratie, après cinquante ans de République et quinze ans de séparation. Mais, dût-il attendre encore son admission au droit commun des Français, il a prouvé, durant ces quinze années, que, même traité en paria, il pouvait vivre, se renouveler et multiplier ses recrues par la seule vertu de son enseignement et de son exemple.

Et il est très important que cette preuve ait été faite et qu’elle apparaisse à tous les yeux : à ceux des catholiques, pour qu’ils gardent jalousement cette indépendance qui fait leur force, comme à ceux des indifférents, hostiles au cléricalisme, pour qu’ils ne croient pas que jamais certaines formes de « protection » de l’Etat puissent être à nouveau souhaitées, ni même acceptées par l’Eglise de France.

De protecteur l’Eglise en a un, le Christ et je pense qu’il