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des catholiques varie sensiblement : ainsi, dans le canton de Surgères (Charente-Inférieure), sur 11 200 catholiques 1 550 seulement, dont 136 hommes, vont à la messe, tandis que, dans le canton de Gozes (même département), sur 8 300 catholiques 2 900 d’entre eux, dont 870 hommes, assistent régulièrement à la messe dominicale. Dans le Tarn, la proportion des catholiques hommes communiant à Pâques est des trois quarts dans les arrondissements de Castres et de Lavaur, de moitié dans celui d’Albi, d’un tiers seulement dans celui de Gaillac.

Et non seulement les pratiques, et sans doute les croyances, varient ainsi à quelques lieues de distance, mais elles varient tantôt pour un sexe, tantôt pour l’autre : il est certain que le nombre des femmes pratiquantes est en général plus grand que celui des hommes, mais ce n’est pas vrai partout, et surtout les deux sexes ne sont pas partout, à ce point de vue, dans le même rapport vis-à-vis l’un de l’autre. Dans cette géographie religieuse, on peut admettre que les campagnes pratiquent plus que les villes, les pays pauvres plus que les riches, les paysans plus que les ouvriers.

En conclura-t-on que le Dieu de l’Evangile est exclusivement rural, qu’il plaît mieux à la montagne qu’à la plaine et moins aux pays de vigne qu’aux pays d’élevage ; qu’il est fait pour les individus de moindre instruction, de moindre valeur sociale, de moindre indépendance d’esprit ; qu’il ne convient plus aux citadins ? On aurait grand tort, et le mouvement actuel du catholicisme français prouve tout le contraire. Il y a déjà longtemps que l’incroyance ou l’indifférence règne dans les centres urbains ; elle était seulement masquée, au début du XIXe siècle, par une armature extérieure, une volonté du pouvoir officiel et des anciennes classes dirigeantes de maintenir un christianisme légal « pour le peuple, » ce qui est proprement tout le « cléricalisme. »

Mais, pour leur compte personnel, comment se comportaient ces « amis de la religion ? » Sous la Restauration, où l’on se figure que la dévotion était effective parmi les défenseurs « du trône et de l’autel, » la bonne compagnie en général n’avait guère de goût pour les sacrements ; à telle enseigne que, dans un chef-lieu comme Amiens, il n’y avait pas, sous Charles X, vingt hommes de la bourgeoisie qui fissent leurs Pâques.