Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charmant et si fantaisiste Monselet, fait de Cousin un portrait d’un comique achevé lorsqu’il le montre dans son appartement où des araignées « du temps de la minorité de Louis XIV » se balancent, recevant un candidat à l’Académie. Se rappelle-t-on ce passage des Tréteaux ? Le candidat, timide, s’approche de Cousin : « M. Cousin… » Et le philosophe sursautant : « Qui est là ? Est-ce vous, d’Hocquincourt ? » L’autre se fait connaître : « Il y a deux fauteuils à l’Académie. » Cousin : « Vraiment ? il faut les donner à M. le Prince et à Turenne… »

Cousin est distrait, car il est épris d’une belle dame. Est-ce Mme de Longueville, dont il considère le portrait amoureusement ? « La voilà bien, en costume d’Hébé, une coupe à la main, gorge un peu bas placée, comme toutes les femmes de condition ; les yeux ni beaux, ni grands, mais d’un éclat pareil à celui des turquoises ; un nez camard à rendre fou d’amour. Ces marques de petite vérole semées çà et là, loin de diminuer le charme de sa personne, en relèvent, au contraire, l’éclat vainqueur, etc.[1]. »

Une lettre de 1865 qu’Henri Blaze écrit de Paris à sa femme, alors à Vienne, montre l’intérêt que Mme Blaze de Bury porte toujours au vieux philosophe. « Il sera bien que tu écrives à Cousin, pour lui faire savoir le bien que tu as dit de lui dans ton article. » (Mais Cousin ne devait pas ignorer ces choses…) Dans la même lettre, Henri Blaze souligne les avances faites par la Cour à Victor Cousin. Ces avances, Cousin les accepte : « Il est fort consulté aux Tuileries, où il se rend, sous prétexte de donner à l’Impératrice des directions pour l’éducation du Prince impérial. Depuis qu’on a donné son nom à une rue, il est tout rallié, et sans se laisser faire sénateur, aime qu’on le consulte. Il paraîtrait que le petit est d’un esprit épais, alourdi, et que sa mère, en l’accablant de travail, et en voulant lui tout faire apprendre à la fois, nuirait, dans les meilleures intentions du monde, à son développement. C’est contre ce mode d’éducation que M. Cousin s’est élevé, et c’est pourquoi il est bien en cour[2]. »

Au milieu de ses voyages, de ses études, de ses longs séjours à l’étranger, Mme Blaze de Bury qui adorait, notons-le, passionnément son mari, blessait d’autres cœurs au passage. Le triste

  1. Monselet : Les Trétaux, 1859. L’Académie, p. 7.
  2. Juin 1865. Inédite.