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musique, et demande en échange une mensualité de S00 francs, car, dit-il, « cela me mettrait plus à l’aise, et me donnerait le moyen d’avoir une voiture… »

Henri Blaze de Bury qui devait mourir républicain fut, au début de sa vie, légitimiste ; voyageant avec sa jeune femme, en Autriche-Hongrie, et dans les « petites cours allemandes, » il s’arrêta à Frohsdorf, et aussi à Venise pour saluer le comte de Chambord. C’était en 1849. La duchesse d’Angoulême, fille de Marie-Antoinette, vivait encore : Mme Henri Blaze de Bury passa huit jours auprès d’elle, et ne l’oublia jamais. À ce moment, on pouvait croire à une restauration. Bientôt vint le 2 décembre : on ne crut plus à rien. On devine l’impression que devait produire en 1849 la présence de la « Dauphine. » Pour les contemporains, déjà elle entrait dans la légende, escortée d’images, de souvenir et d’histoire. Que l’on se figure à Venise, dans le palais Cavalli, ou à Frohsdorf, la fille de Marie-Antoinette assise à la gauche du comte du Chambord, causant et brodant : quelle saisissante réalité ! « Sa conversation était pleine de douceur et de mansuétude, écrit Henri Blaze. Les derniers jours de cette vie chrétienne se consumaient dans un touchant hommage de dévouement qu’elle rend à son neveu : elle se lève quand il entre et l’appelle : Mon Roi. »

Les enfants du siècle (Blaze naquit en 1813) dont la mémoire avait recueilli les relations de leurs pères, témoins du 10 août et des massacres de septembre, demeuraient saisis à ce nom : la Dauphine… De quel effroyable passé surgissait cette ombre !

Le couple Blaze de Bury subit le prestige de la duchesse d’Angoulême, prestige immense. Une auréole de respect et de vénération entourait cette princesse vêtue de noir, qui représentait l’épave survivante de la Royauté pré-révolutionnaire et plus encore : le Malheur. Les lettres de la baronne Rose sont enthousiastes à son sujet, comme au sujet du comte et de la comtesse de Chambord.

Le 30 décembre 1849, la baronne écrit de Vienne : « Il est probable que nous irons faire une visite à Venise… Nous avons vu le Prince[1]. Lui et la Princesse ont été plus que charmants. Elle nous a reçus une semaine après la mort de son frère l’archiduc… Rien ne peut donner une idée de leur amabilité. Elle

  1. Le comte de Chambord.