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Mme Blaze de Bury ne s’entendait pas toujours non plus au début avec François Buloz, que ses allures inquiétaient ; il n’était pas facile d’éblouir le directeur de la Revue, mais il sut apprécier en son temps la belle Rose, qui lui rendit certainement des services. « L’autre jour, écrivait-elle de Vienne à son mari dans un court billet griffonné à, la hâte, j’avais un diner de seize personnes, ministres, Hongrois, Polonais, etc. ; Schemerling[1]prend la Revue sur une table et me demande : Quel homme est vraiment Buloz ? — Oh ! dit un « Polonais » que je ne nomme point, très fort, mais par trop désagréable. — Je prends alors la parole, et dis mon avis que tous écoutent, et je crois que Buloz, s’il avait entendu, n’eût pas été mécontent de madame sa belle-sœur, laquelle, avec tous ses défauts, aime et admire les puissances réelles (en étant elle-même une)[2]. »

Rien ne peut donner une idée plus complète de la nature de cette femme, que ce petit billet : courage, netteté, élan, orgueil, tout y est. Henri Blaze l’envoya à son beau-frère dans une lettre, en lui disant : « Permettez-moi de vous envoyer ce post-scriptum d’une lettre que je reçus de Vienne ce matin ; vous y verrez que cette nature impraticable, comme vous l’appelez dans vos moments de colère, sait pourtant reconnaître le vrai mérite, et lui rendre témoignage. Puisque nous parlons de Schemerling, j’ajoute qu’il n’a pas été le seul à s’informer de vous ; un autre plus haut placé s’en était enquis d’avance, et se propose de vous envoyer une marque très illustre de la distinction où, personnellement, on vous tient. Je sais comme vous, ce qu’à notre âge, il faut penser de ces hochets… Quoi qu’il en soit, de tels honneurs, lorsqu’ils nous viennent sans que nous les ayons recherchés, ne sont qu’une constatation de notre valeur, du succès de ce que nous avons fait, et fondé. » La lettre de H. Blaze n’est pas datée, il dut l’écrire vers 1845. Au début de cette lettre, il propose à François Buloz de suspendre momentanément ses critiques musicales, offre trois articles de mois en mois à la Revue, sur d’autres sujets que la

  1. Ministre d’État.
  2. Les mots soulignés le sont par Mme Blaze de Bury.