Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’impatiente des exigences de François Buloz à la Revue : « Ne doute pas de ton génie ! » Energique et aventureuse, Mme Blaze de Bury devait avoir, sur le caractère plus rêveur de son époux, cet ascendant ; il ne fut d’ailleurs pas seul à le subir, et beaucoup, autour de lui, l’éprouvèrent de même. La nature confie à certains êtres, comme celui-ci, un rôle ; leur force les destine à le jouer : ils mènent, ils imposent leur pensée, entraînent à l’action, il semble qu’à côté d’eux, rien ne peut échouer, enfin ils sont dirigeants, et non dirigés.

Maintes fois j’ai éprouvé le pouvoir de chef que possédait cette femme, en lisant sa correspondance. Ajoutez que la baronne Rose est une amie excellente ; quelles que soient ses occupations, ses inquiétudes, ou son éloignement, elle n’a garde de négliger ses amis, s’occupe constamment de leurs affaires, les guide, les encourage, intrigue pour eux ; elle connaît tant de monde, et aux quatre coins de l’Europe, elle exige d’être tenue au courant de leurs démarches, s’offre à en faire de nouvelles. En quoi peut-elle les servir ? Le père Gratry lance-t-il un livre ? Voici Mme Blaze de Bury sur l’heure en campagne, parlant à Cousin et à Villemain, obtenant un article de Lerminier sur l’ouvrage du Père, qui écrit enchanté : « Combien je vous remercie, chère dame, car c’est votre œuvre[1] ! » Il termine : « Soyez bénie. » M. de Montalembert lui rend grâces aussi pour le même service, en 1860 : « Vous me gâtez, madame, comme toujours, mais aussi il n’y a que vous qui me veuillez du bien, en France comme en Angleterre. Avez-vous lu ce qu’a dit de moi le Times, et surtout le Morning Post, qui me compare à Thersite et à la courtisane Phryné ? etc.[2] »

La sentant si entièrement dévouée, ses amis, souvent, s’en remettaient à elle et disaient : « Dirigez-nous. » D’autres, malheureux ou découragés, venaient puiser auprès d’elle l’énergie dont elle débordait : elle en avait assez pour tout le monde.

À dix-huit ans, miss Stuart écrivait, à la demande de lord Brougham, des articles sur les lois dans The Law Review ; en 1843, avant son mariage, elle collaborait à la Revue des Deux Mondes, à la Revue de Paris[3] ; elle donna aussi des articles au Correspondant, et aux revues étrangères (elle écrivait

  1. 1847.
  2. Inédite.
  3. Elle signait Arthur Dudley dans les deux revues.