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Wetzlar et à Francfort ; et encore à la comtesse de Stolberg, Frédérique Brion, Mme de Stein. Les poètes lyriques de l’Allemagne n’eurent point de secret pour lui ; en France alors on connaissait peu les Lieds et les Niebelungen ; quant à Novalis, il y était si ignoré, que Lamartine demanda un jour à Blaze : « Qu’est-ce donc que ce Novalis dont vous parlez si souvent ? On dit qu’il m’imite ? » — Novalis était mort depuis dix ans.

Les meilleurs travaux d’Henri Blaze à cette époque, sont peut-être ceux qu’il consacra à Arnim. On y rencontre cette folle, Bettina, l’amoureuse du vieux Goethe, et la Günderode, autre démente, qui se jeta à l’eau par amour du très laid Creutzer, et Charlotte Streglitz, dont le suicide eut pour but de procurer à son mari l’émotion sacrée du génie, et Adolphine Vögel… Enfin, tout le bataillon romantique des Lorelei éperdues. Notez qu’aucun des sujets traités par Henri Blaze n’est morose ; leur prête-t-il sa verve ? ou n’est-il, d’instinct, attiré que par les plus attachants ? Sous sa plume, les personnages s’animent le plus bizarrement du monde, et c’est à regret qu’on les voit se marier comme Bettina, ou se jeter dans le Rhin comme la Günderode.

Henri Blaze de Bury écrivit, vers 1858-1860, de remarquables études sur la société de Vienne et de Berlin[1], à propos de différents mémoires de l’époque, ceux de Varnhagen, du prince de Metternich, du comte Strindberg. Tout en blâmant les indiscrétions inutiles, il se moque de certains prophètes pusillanimes, qui annoncent qu’ils ne parleront dans leurs souvenirs, ni des hommes, ni des événements : « On se retire de cette lecture, dit-il, aussi penaud et déçu que si l’on venait de faire sa révérence contre un mur. » — Les ouvrages dont il parle ici, le satisfont davantage. Il faudrait relire tout le livre de Blaze de Bury, on ne le regretterait pas ; c’est là que l’on rencontre la fameuse Rahel qui « avait apporté dans le monde tout ce qu’il faut pour y souffrir plus que son dû, » et Varnhagen d’Ense lui-même. Henri Blaze, qui le connut à Berlin jadis, le juge avec autorité. Le personnage de ce Prussien lettré, qui combattit aux côtés de l’archiduc Charles à Wagram, est fort curieux. Notre auteur cite la tirade haineuse de Varnhagen sur l’Empereur ; elle se termine ainsi : « Sur le terrain de la conversation

  1. Les Salons de Vienne et de Berlin. Michel Lévy, 1861.